Baglady ( ou la grosse poche pleine de fleurs)
- Guillaume CLERMONT
Disloquer: 1.déplacer violemment (les parties d’une articulation)
==> déboîter, démantibuler, 1. Démettre désarticuler – PAR EXT
==> démancher. 2. Séparer violemment sortir de leur place normale
(les parties d’un ensemble) par accident ==> désunir. Disloquer
les rouages, les éléments d’une machine. Déranger, détraquer
fausser – PAR EXT. Séparer les éléments de==> briser casser,
démolir. Disloquer un empire, un état, un système.
Antonymes : Assembler, emboîter monter, remettre.Le nouveau petit Robert
À première vue, le travail de Guillaume Clermont semble incongru, son discours disloqué et ses installations, désorientées. Il n’en n’est pourtant rien. De façon formelle, son travail s’articule autour de la précarité de mettre en relation des crânes, des chiffons fleuris, des boîtes et des tableaux. Remplir d’eau des boîtes de carton, accumuler, disposer, réorienter, vider, saboter, démancher, emballer, laisser à l’abandon : tous ces gestes mettent en relief la dimension temporelle et ludique qu’impose le hasard. Empruntant à l’art conceptuel, à l’installation, à la sculpture et à la peinture, le travail de l’artiste consiste à mettre en scène des mécanismes improbables, en créant des situations et des installations qui semblent inconvenantes face à l’espace dans lequel elles se manifestent.
Le crâne à la mâchoire disloquée de l’artiste Jean Gossaert, dit Mabuse (1478-1532) est devenu le leitmotiv autour duquel s’articulent les recherches plastiques de Clermont. En intégrant des toiles représentant le motif du crâne à ses installation ou tout simplement en laissant à l’abandon des oeuvres dans des lieux publics, ce dernier fait référence au déni que peut ressentir une personne face à la mort. Parce qu’il n’est pas traité comme une simple vanité et que sa stigmatisation est sabotée, le crâne est ici dépourvu de toute fatalité. Par le fait même, l’artiste cherche à atténuer la valeur symbolique associée au crâne. Tout comme les boîtes de carton remplies d’eau, le motif participe à la banalité que comportent les gestes quotidiens accumulés au cours d’une vie.
Tout comme une baglady à robe fleurie, Guillaume Clermont part de l’objet trouvé et utilise l’espace de la galerie comme un « fourre-tout ». Étant dépourvue de repères temporels et structuraux et ce, renforcé par la présence des miroirs, l’installation nous désarçonne : l’artiste nous met en boîte. Il désunit, disloque et sépare les composantes de l’installation de leur contexte habituel afin de proposer un questionnement sur la place familière où ils devraient se retrouver. Cette stratégie d’accumulation et de dislocation du discours est renforcée par l’ajout de l’eau dans les boîtes de cartons. Deux questions s’imposent : 1) comment le matériau de ces boîtes peut-il retenir l’eau? 2) À quoi font référence les fleurs de lotus que l’on remarque dans ces contenants? Considérant le fait que la fleur de lotus, pour les bouddhistes représente le cycle de la vie, puisqu’elle pousse dans des marécages, cette dernière nous ramène de façon poétique, au temps qui passe et aux tactiques que nous déployons pour le rattraper et le mettre, en vain, en boîte.
Jo-Ann Kane
Guillaume Clermont est né en 1983 à Montréal où il vit et travaille. Il a fait ses études à l’École des arts visuels de l’Université de Laval ainsi qu’à l’École supérieure des beaux-arts de Marseille. En 2007, il présente sa première exposition personnelle au Théâtre Périscope à Québec, dans le cadre de la programmation hors galerie de l’OEil de Poisson, en plus de participer à Supermarket Sztuki IV/2 (im)mortal love international biennial, à Varsovie, en Pologne. En août 2008, il co-organise et participe à l’événement Pan! Peinture 2 à Québec. De novembre 2008 à janvier 2009, il a été en résidence à Point Éphémère à Paris, dans le cadre des Résidences croisées France-Québec. En février dernier, il a participé à Art Souterrain, un volet de la Nuit Blanche de Montréal, organisé par la Galerie [sas].
Ce projet a été rendu possible grâce à l’appui du Conseil des arts et des lettres du Québec. L’artiste a également bénéfi cié du programme de soutien à la production de l’OEil de Poisson, centre de production et de diffusion en art actuel situé à Québec. Certaines oeuvres présentées ont été réalisées dans le cadre des Résidences croisées France-Québec avec le soutien de Quartier Éphémère.