Cérémonie

  • Xavier Orssaud
Du 13 janvier au 2 mars 2024 - Vernissage, le 13 janvier de 14 h à 17 h 30. Rencontre avec l'artiste à 15 h.

Galerie II

Lorsque le visiteur entre dans la galerie II du CIRCA art actuel, il ressent une impression à la fois familière parce qu’il reconnait les formes qui se  présentent à lui et étrange parce qu’il ne comprend pas tout à fait ce qui s’est passé en ce lieu. 

Célébrant l’ambiguïté entre l’organique et le minéral, Xavier Orssaud conçoit un ensemble de pièces qui font lieu. Et dans ce lieu, un événement s’est déroulé. Rituel ou cérémonie? Quoi qu’il en soit, ce rite invite au respect des lieux écologiques que nous habitons, à une réflexion sur ce qui s’y est passé précédemment et au renouveau qui adviendra par la suite.

Au milieu d’un sol jonché de cailloux et d’objets épars, des formes élancées ponctuent l’installation. À première vue, il se dégage une esthétique brute de ce qui pourrait ressembler à des restes de troncs d’arbres calcinés, décimés par un incendie dévastateur. En même temps, la couleur terreuse des colonnes évoque un autre univers, celui de la ruine. Certains pourraient aisément évoquer le fait que ces objets font penser à d’éventuels trésors enfouis qui auraient pu être découverts par des archéologues, comme le masque posé au pied d’une colonne. Avec la présence d’un luffa posé sur le sol, l’univers marin n’est pas loin non plus. Les passionnés d’ostréiculture pourraient aussi voir dans les colonnes, les fameux poteaux permettant le foisonnement des huîtres ou autres coquillages. Mais ici, point d’huîtres ni de coquillages! 

Si la polysémie de l’œuvre ne passe pas inaperçue, on peut se demander ce qu’ont en commun ces univers ? J’y vois une référence à la fin : celle d’un temps, d’une époque, d’un état qui doit nécessairement advenir pour laisser place au renouveau. Cette fin n’est donc pas morbide; elle est plutôt régénératrice. Elle agit comme un espace liminal, c’est-à-dire un point de bascule, où se mêlent la crainte et le respect. On y trouve quelque chose de sacré que l’artiste dissocie volontairement de son carcan religieux ou mystique. Le côté solennel se dégage de l’ensemble et appelle le cérémoniel. 

C’est en écho au cérémoniel que l’artiste reprend les codes de la musique à travers la disposition d’instruments placés ça et là. Des colonnes en céramique, percées d’ouvertures ornées de blanc, évoquent indéniablement les instruments à vent qui agissent comme des indices et des marqueurs du rituel. Ici s’érige une flute, là une trompette. Au sol, une forme saxophonesque confirme la lecture. Dans cette forêt cérémonielle, chaque colonne témoigne de sa similitude et, en même temps, de sa singularité grâce au traitement plastique des formes. Le contraste entre l’aspect brut de la partie centrale, et l’aspect raffiné de la partie supérieure, interpelle. Le brut évoquerait-il l’essence de la matière de toute chose, à l’instar du golem qui, composé d’argile, réfère à l’embryon, ou à l’inachevé? L’extrémité aux formes distinctes, lisses et irisées provenant de moulages de bouchons de carafes décoratifs, caractériserait-elle alors la différence et la singularité? La force du collectif relève de la singularité des voix et met en lumière les interventions humaines sur la nature. C’est dans ce même espace liminal que Xavier Orssaud opère un renversement ou un glissement narratif de la crise environnementale pour jouer sur la porosité des frontières entre l’esthétique d’un désastre annoncé et d’un renouveau espéré.

 

Texte d’Émilie Granjon

 

Biographie de l’autrice 

Détentrice d’un DESS en gestion d’organismes culturels obtenu en 2015 à HEC Montréal, Émilie Granjon dirige le centre d’artistes CIRCA art actuel depuis mai 2016. Elle est également essayiste et critique d’art ainsi que commissaire indépendante. Titulaire d’un doctorat en sémiologie en 2008 à l’UQAM, elle analyse les enjeux culturels de l’art actuel par l’étude des figures insolites. Dans sa thèse, elle a orienté ses recherches sur la sémiogenèse de la symbolique alchimique dans l’Atalanta fugiens (1617) et a publié Comprendre la symbolique alchimique (PUL : Québec, 2012). En art actuel, elle a co-écrit avec Fabienne Claire Caland Cinq fabricants d’univers dans l’art actuel (Nota Bene : Montréal, 2017) et, plus récemment, également avec Véronique La Perrière M. Le miroir, la métaphore et le temps inversé (Sagamie : Alma, 2020).

Biographie de l’artiste

Xavier Orssaud met en images et en espace des questionnements actuels soulevés par la crise environnementale et les bouleversements socio-culturels qu’elle engendre. Il est diplômé de l’Université Paris 1 et de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy. Son travail a été présenté lors d’expositions solos et collectives en France et au Canada, notamment à la Galerie de l’Atelier Circulaire et au Centre culturel Georges-Vanier, à Montréal en 2023, à la Biennale Internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières, en 2021 et au salon de Céramique contemporaine C14 de Paris, en 2023. Ses projets ont bénéficié du soutien du CALQ à deux reprises en 2019 et en 2021 et du CAC en 2023. En 2021, il est lauréat de la première édition du programme de résidence CIRCA-Silex. À l’été 2023, il a participé à une résidence de trois mois à l’European Ceramic Work Centre (EKWC), prestigieux centre consacré à la céramique contemporaine aux Pays-Bas.

 

Remerciements

Xavier Orssaud souhaite remercier la formidable équipe de l’European Ceramic Work Centre d’Oisterwijk au Pays-Bas où il a pu travailler durant une résidence de trois mois, à la création de l’installation exposée. Il remercie également les artistes Anina Major et Daniel Mullen, rencontrés sur place, pour leur bonne humeur et leur soutien sans faille, sans oublier Elise Hart, Brian Anderson, Jaclyn Mednicov, Ranti Bam, Madeleine Child ainsi que la curatrice Xenia Tsompanidou et la SEA Foundation.

L’artiste aimerait remercier tout spécialement le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier, sans lequel ce projet n’aurait jamais pu voir le jour, ainsi que CIRCA art actuel pour la formidable opportunité de diffusion. Sans oublier Émilie Granjon, pour le pertinent texte accompagnant cette exposition.

Enfin, il adresse une pensée toute particulière à Cassandre Boucher et à l’ensemble de ses proches.

https://vimeo.com/917989795?share=copy

Crédit vidéo : Noémie da Silva

Crédit photo promotionnel: René van der Hulst

Crédit photo de l’exposition: Jean-Michael Seminaro