Comme si c’était hier

Vernissage le 25 janvier à 15h00
  • Simon Bilodeau
du 18 janvier au 14 mars 2020

-Galerie I-

 

Simon Bilodeau

Comme si c’était hier 

Fidèle aux esthétiques futuriste et de la ruine qui ont fait la marque de son travail, Simon Bilodeau signe une fois de plus avec l’exposition Comme si c’était hier l’esquisse d’un passé non révolu. Imaginée comme un showroom dystopique, l’exposition se veut la mise en abîme d’univers en devenir, de possibles lendemains encore à inventer. Espace mémoriel de ces futurs en construction – mais d’ores et déjà en proie à l’obsolescence -, chaque œuvre de ce nouveau corpus multidisciplinaire interroge ainsi notre fascination collective à l’égard du progrès et de ses promesses, souvent déçues, d’un monde meilleur. Sans pourtant être fataliste, l’artiste propose non sans mélancolie une nouvelle itération d’une pratique artistique toujours sagace en regard de l’avenir et de ses desseins.

 

Tableaux, sculptures ou vidéos ne sont pas ici à appréhender comme des finalités, mais plutôt comme des univers de potentialités, des réminiscences d’en-devenir. Performatives et théâtrales tout à la fois, les installations se présentent comme des espèces de maquettes, des prototypes d’autres installations, d’autres œuvres potentielles. Mises en scène dans des dispositifs de monstration rappelant les dioramas ampoulés des musées d’histoire naturelle, les œuvres incarnent autant de systèmes autopoïétiques capables d’organisation. Car chez Bilodeau, une large part du processus de création est en effet laissée à l’œuvre elle-même. Certaines, d’ailleurs, semblent pouvoir s’articuler dans l’espace telles des machines quelque peu humanoïdes, des entités chaotiques et maladroites à même de se régénérer et de se recréer sans cesse. Miroirs d’elles-mêmes, elles montrent ce qui est en train de se faire, être en train de se faire…ou de se défaire.

 

Le motif de l’atelier, récurrent dans la pratique de l’artiste, se cristallise ici dans cette autoréférentialité au faire de l’œuvre et à ses mécanismes de construction et de destruction. Loin d’être perçus comme un vice ou une tare à éradiquer, les défaillances ou échecs perpétuels auxquels est confronté le processus de création font au contraire état d’une vie propre à l’œuvre. C’est pourquoi, peut-être, se dégage des installations inquiétantes de Bilodeau une impression de vitalité, voire d’opiniâtreté, comme si chaque structure, même écartelée dans l’espace, luttait pour assurer sa survie. Des préoccupations qui irriguent depuis longtemps les réflexions de cet artiste technophile, mettant en lumière l’irréductibilité des technologies avec les fondements mêmes de l’art et de la vie.

 

Ces rapports de réciprocité entre l’art et ses modalités d’existence s’incarnent également à travers ces petites formes sculpturales disséminées dans l’espace de la galerie. S’apparentant à une sorte de stalagmite composée de motifs rhomboïdes empilés, ces concrétions étranges et tortueuses rappellent les colonnes brancusiennes, obélisques symbolisant l’essence même de la vie. Si les sculptures de Bilodeau ne se réfèrent pas explicitement au symbolisme mystique de l’axis mundi tel que déployé chez Brancusi, elles n’invoquent pas moins la notion d’absolu, l’ensemble étant plus grand que la somme de ses parties.

 

Sans prétendre être philosophique, l’exposition a une faculté d’évocation qui transcende la question esthétique pour soulever des questions d’ordre existentiel et repenser notre relation au monde. Déjouant la fatalité et l’apathie latente des scénarios apocalyptiques qui caractérisent désormais notre contemporanéité, Comme si c’était hier fait état de cette résilience de l’humanité envers le passé, lequel ne sera toujours que la trace d’un futur à conjuguer au présent.

 

Texte écrit par Anne-Marie Dubois

 

Biographie de l’artiste 

Détenteur d’un baccalauréat et d’une maitrise en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal, Simon Bilodeau interroge les atours de l’art, de ses objets et de ses histoires. À travers une pratique multidisciplinaire et critique intéressée par différents enjeux touchant autant les sphères esthétiques, philosophiques que sociales, Bilodeau aborde des préoccupations issues de notre contemporanéité, souvent confrontée à ses contradictions et à des devenirs incertains. En constante évolution, son travail a fait l’objet d’expositions solos et de groupe au Québec et à l’international.

 

Biographie de l’auteure

Anne-Marie Dubois est candidate au doctorat en histoire de l’art avec concentration en études féministes. Ses recherches portent principalement sur la réarticulation contemporaine des identités à l’ère des « nouvelles technologies ». Elle siège sur le comité éditorial de la revue esse arts+opinionstout en poursuivant une pratique comme critique d’art et essayiste. Sa posture emprunte aux théories féministes et queers leur potentiel critique afin de déboulonner la prétention d’ontologie des différents discours de vérités.