Couleuvre
- Arkadi Lavoie-Lachapelle
Vouivre
Une enveloppe déposée chez moi en novembre. Je l’ouvre : un œuf et sa couleuvre de carton naissante et mordorée surgissent en mode pop-up. Voici l’invitation d’arkadi lavoie lachapelle, performeure et poétesse qui n’en est pas à son premier œuf déposé en offrande au seuil d’une porte[1]. Artiste féministe multi (performance, objets, poésie, photos) et inter (pour Couleuvre, elle travaille avec deux biologistes), arkadi rafraîchit la manière de faire de l’art. L’aventure au CIRCA art actuel compte plusieurs étapes performatives, participatives et interactives. C’est un festival. J’y détecte une célébration de la force de la vie. Les états divers de la nouvelle « cool œuvre »[2] : une femme-serpente corridoréenne, articulée de roulettes, et dont le corps, composé d’une centaine de chaises de bureau prêtées par les locataires du Belgo, assiège l’espace commun; elle arbore des vêtements fabriqués de vraies et de fausses peaux écaillées montrant le goût de la mode pour le parfait design des reptiles, la peausserie qu’il inspire et sa commercialisation historique à outrance; des enfants ingénieurs construisent un château de miroirs sur un tapis reptilien; un cabinet de curiosités expose des artefacts liés à l’existence de la couleuvre brune; et une sœur complice offre, sur le trottoir, de la soupe de sorcière aux passants.
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Le mot de couleuvre est doux. Il résonne avec œuvre, manœuvre, œuf, chœur, cœur, sœur, des mots piliers dans le vocabulaire de l’artiste. Ils affichent tous la marque du Œ, signe lové en lui-même tel un reptile au chaud de la langue. On le nomme ligature en typographie. Les serpents deviennent ligature vivante lors des longues minutes de leurs copulations élégantes en parade dansée. Piste fantastique pour une chorégraphie à plusieurs corps sans bras ni jambes. Se mouvoir sans membres appellerait à jouer des hanches et de la tête, des yeux, des oreilles et de la bouche. Justement, ce petit visage plat intègre une langue bifide, GPS en puissance, qui garantit la présence totale : une performeure avertie ne saurait se passer de pareille inspiration. Coule œuvre, coule! Dansons vouivres, dansons!
-Texte de Sylvie Cotton
[1] Je vous laisse faire la recherche pour découvrir les détails de l’intervention clandestine 1600 œufs, réalisée en duo avec Audrey Racicot, à l’entrée du MACM le matin du 17 janvier 2010.
[2] arkadi est comme moi amoureuse des jeux de mots; ici le sien.
Née l’année de la chute du mur de Berlin et de la tuerie de la Polytechnique, je me demande parfois si nous venons du futur, si « un menu enfant pour emporter SVP », est de la pédophilie et si les personnes queer ont des pouvoirs magiques. Présentement, ma vie post-académique est influencée par l’énergie collective du mouvement étudiant de 2012, la complexité du féminisme intersectionnel et une expérience spirituelle profonde.
Ma pratique de l’art action, qu’elle se manifeste dans l’espace public, en galerie ou lors de conférences, cultive le paradoxe du geste performatif : un don énergétique transformateur qui peut à la fois bouleverser, déranger l’ordre des choses établies et faire du bien au corps, à l’esprit et au cœur. Depuis 2010, mes aventures artistiques, quelques fois anonymes et clandestines, se sont réalisées autant au pays que dans de petites et grandes villes russes et européennes. Je m’implique à l’organisation de plusieurs événements, dont le festival montréalais VIVA! Art action en tant que membre du conseil d’administration ainsi que comme collaboratrice pour la Journée sans culture.