Dans la lumière de l’atelier (nuages et ombres blanches)

  • Bruno SANTERRE
du 20 octobre au 17 novembre 2007

«Le visible n’est pas une surface, il fait surface et l’on ne peut le parcourir sans aussi le traverser, y pénétrer, en sonder la profondeur, guidé par les associations d’images qui en tissent la trame, ombres et reflets, taches prenant forme et se métamorphosant, imprévisibles.»

Agnès Minazzoli, La première ombre.
Réflexion sur le miroir et la pensée.

«Le nuage, un corps sans surface

Hubert Damisch, Théorie du nuage.

Au cours des dernières années, ma pratique artistique s’est articulée principalement autour d’un questionnement sur la perception du visible et sur les limites des procédés de représentation dans les domaines de l’art et de la science. Cette recherche, menée à travers la production d’ensembles d’oeuvres présentées dans des installations, s’est réalisée en réponse à une question centrale: comment arriver à rassembler des fragments du visible en un tout qui, sans en constituer une image définitive et résolue, témoignerait du parcours d’un individu dans un monde d’ombres et de reflets?

Par la suite, mon attention s’est portée vers la question du point de vue privilégié et de la distance à conserver par rapport à l’objet de notre observation, ceci en cherchant un rapprochement possible entre le toucher (l’haptique) et le regard (l’optique). Les pièces produites au cours de cette période étaient présentées sous forme d’installations faisant appel à la sculpture, au dessin et à la photographie et ces installations rappelaient alors, par leur atmosphère et leurs allusions formelles, le studiolo de la Renaissance et, simultanément, l’atelier d’artiste.

De l’atelier-studiolo, comme lieu d’étude et de spéculation sur le visible, je passe maintenant, depuis peu, à l’atelier-observatoire, lieu d’observation et d’expérimentation des états transitoires du réel. Je questionne, dans cet espace virtuellement plus ouvert, ma relation au monde visible en combinant objets, dessins muraux, reflets lumineux et photographies ceci, en faisant appel à un appareillage low-tech, simple et dépouillé. Mes travaux sont inspirés par certains modèles de représentation utilisés à diverses époques dans les domaines scientifiques (plus particulièrement en astronomie) et artistiques ainsi que par les tentatives de représentation des nuages, en dessin ou en photographie.

Cette exposition, qui constitue la seconde configuration d’une suite amorcée chez Plein sud à Longueuil en septembre 2006 (Dans la lumière de l’atelier, tracer le rebord des nuages), propose ici un ensemble qui relève plutôt du non finito que de l’oeuvre finie et résolue et qui, dans le contexte installatif créé, mise sur une sémantique de la réception. En établissant une certaine ambiguïté entre le lieu de réception (la galerie) et le lieu de production (l’atelier), je cherche à amener le regardeur à vivre non seulement une expérience visuelle, mais aussi à ralentir son regard, à réfléchir sur ce qu’est l’acte de regarder et ainsi, comme le désirait Yves Klein, à «transformer l’exposition en sas de décontamination du regard». Proposant au regardeur des jeux simultanés d’effets de surface, de réflexion et de transparence qui font apparaître et disparaître les objets exposés à sa vue, je sollicite son implication dans l’acte de regarder, le convoquant ainsi au plaisir du voir et de la découverte.

Bruno Santerre


Parmi les expositions individuelles de Bruno Santerre, notons Dans la lumière de l’atelier, tracer le rebord des nuages, chez Plein sud, centre d’exposition en art actuel à Longueuil en 2006; Dans l’atelier de Palomar, chez Occurrence, espace d’art et d’essai contemporains à Montréal en 2004; Voir, savoir et croire, au Musée régional de Rimouski en 1997 (avec Laurie Walker); Studiolo, l’oeil nomade à la Galerie UQAR en 1993; Les Paysages indicibles, à la Galerie Trois Points, Montréal et au Musée d’art de Joliette en 1990; Oeuvres récentes, à la Galerie Skol, Montréal et Errances, peintures récentes à la Galerie Sans Nom, Moncton en 1987; Table sur (l’idée de) tableau, à la Galerie des Arts visuels, Université Laval, Québec en 1986. 

Depuis 1982, il a participé à de nombreuses expositions collectives notamment, en France, à la Galerie Calibre 33 et à la Villa Arson, Nice; à la Librairie du Québec, Paris; à l’Université de Metz; à l’École des Beaux-Arts de Nancy et, au Canada, à la Galerie Sans Nom, Moncton; à la Pitt International Gallery, Vancouver; au Musée national des beaux-arts du Québec, Québec; au Musée d’art de Joliette; au Musée régional de Rimouski; à Expression, Saint-Hyacinthe; à la Galerie de l’École des Arts visuels de Québec, chez Skol et à la Galerie Trois Points, à Montréal. Récemment, il a notamment participé à Foire/Fair comme si tout allait bien chez Skol (2007), à la Biennale nationale de sculpture contemporaine, à la Galerie d’art du Parc de Trois-Rivières (2004) et au Symposium international de création d’art in situ Lumières, réflexion de l’insondable, au Musée régional de Rimouski (2003).

Il a été artiste en résidence au Centro internazionale di sperimentationi artistiche à Boissano (Italie), en 1985 et à la Villa Arson, Nice (France), en 1987. Ses oeuvres ont accompagné des recueils de poésie de Paul Chanel Malenfant et d’André Gervais aux Éditions du Noroît et il a réalisé un livre d’artiste, Le poète intervalii dans la variante amoureuse, avec André Gervais aux Éditions Roselin (1996). 

Bruno Santerre a réalisé de nombreuses oeuvres d’intégration à l’architecture au Québec et ses oeuvres font partie de plusieurs collections publiques: Prêt d’oeuvres d’art du Musée national des beaux-arts du Québec, Musée régional de Rimouski, Université du Québec à Montréal, Loto-Québec, Cirque du Soleil, Bibliothèques nationales du Québec et du Canada.

Article de Josiane Gervais-Tiberghien, Espace Sculpture #83, 2008

Article de Mathieu Ménard dans Le Délit, 2007