Drywall Planetarium : Où est rendu l’art?

  • MACLEAN
du 14 avril au 26 mai 2012

J’aime voir l’expression artistique comme une manifestation d’un point de vue sur le monde, ancré dans les considérations philosophiques et spirituelles de l’époque contemporaine. Cet énoncé a beau paraître patent, il risque néanmoins de sembler déplacé parmi l’appauvrissement graduel de la philosophie, qui tend dorénavant vers un relativisme de consommation facile et alors que la spiritualité rejette ces paradigmes rationnels naguère vantés qui caractérisaient le progrès moderne.

Ainsi, vous seriez gentils de me pardonner cet aparté philosophique.

Drywall Planetarium : Où est rendu l’art? construit un planétarium fixe, centré sur l’instant présent : dans la salle est reconstitué le ciel nocturne de Montréal, comme il apparaît en avril 2012. L’installation se veut un instantané de la voute céleste, transmis par la matérialité même des lieux.

Je devrais commencer par répondre à la question : Pourquoi des étoiles?

… Parce que j’ai toujours été attiré par elles. Qui ne l’est pas? Elles ont une profondeur et un mystère inhérent, une puissance symbolique effective qui rejoint : la mythologie, l’astrologie, la navigation, l’astronomie, la révolution scientifique, le siècle des Lumières, le mythe du progrès et le désenchantement de la modernité. Ce dernier élément sera mon point de départ en tant qu’opérateur du miroir proverbial.

Le contexte contemporain amène une relation aux étoiles qui est historiquement unique : à 80% urbaine, l’expérience industrielle globale du XXIe siècle (c.-à-d. maintenant) ne nous laisse entrevoir qu’une fraction des étoiles que nos grands-parents et leurs ancêtres ont pu contempler. Nous en «savons» certainement plus long sur les étoiles qu’aucune civilisation passée, grâce à l’œil de Hubble et de celui des médias, la science nous dote d’une connaissance profonde quant à ce que le cosmos peut nous apprendre à propos des origines de l’univers… Et pourtant la lumière immédiate des étoiles n’atteint plus notre quotidien, protégé de toutes sauf les plus brillantes d’entre elles par le halo éblouissant des agglomérations urbaines.

Quant aux traditions historiques reliées au cosmos, la plupart sont marginalisées, évacuées des nos expériences quotidiennes. Seul la rubrique astrologie semble assez puissante pour se frayer un chemin jusqu’à nous sur une base journalière, bravant la pollution culturelle du culte du spectaculaire. Comme le cerne des lumières de la ville, on ne voit jamais les distractions et la propagande pour ce qu’elles sont vraiment. La modernité a accepté cet état de désenchantement comme sa nouvelle norme.

Si je crois en quelque chose, c’est bien l’enchantement; en particulier celui que nous procure la relation avec le Naturel. En l’absence de cette Nature, l’art doit agir comme substitut. Drywall planetarium : Où est rendu l’art? est une façon de retrouver l’enchanteur et le mystérieux dans la matière du quotidien, même lorsque ce qu’on appelle l’art (aussi encadré et canonisé soit-il) nous est refusé.

Expression d’une vision du monde

Bien sûr il y a d’autres éléments à considérer lorsque nous regardons le ciel étoilé, comme le suggère la longue liste susmentionnée. De moins en moins visible à l’œil nu, la plupart d’entre nous voient les étoiles comme responsables des grandes avancées sociétales. Pour cause, elles semblent inextricables de la genèse des modes de pensées contemporaines, en commençant par les explorations qu’ont permises la révolution copernicienne, jusqu’à l’histoire du colonialisme (ou proto-mondialisation, comme elle fut adressée par les questions de Gaugin).

En effet, ce fut Galilée et associés qui initièrent et rendirent possible ce rêve, qui se poursuivit à travers l’invention de la méthode scientifique et la subséquente révolution industrielle. On ajoute une pincée de combustibles fossiles au mélange, on remue et presto! Nous voilà aux commandes d’une économie industrielle planétaire survoltée qui menace d’entrer en collision avec les limites mêmes de la Nature.

Nous ne pouvons ainsi nous surprendre si l’espace intersidéral constitue dorénavant notre « terra incognita », cet endroit dans lequel nous projetons nos fantasmes de progrès futurs. Au-delà de la propagande cependant, la course vers l’espace ne se solde guère que de faillites; lentement, elle se démantèle sous nos yeux. La vérité à laquelle nous confronte l’envers de ce voile est que ce n’est nulle part ailleurs qu’ici que chaque habitant de la terre ferme doit surmonter seul les problèmes et défis de sa propre modernité. Il n’existe aucune issue. Peut-être est-ce cet imaginaire, cette métaphore de la navigation au gré des étoiles qui nous servira de bouée? Où irons nous à partir d’ici? Qui répondra à nos questions? Comment appréhenderons nous les bouleversements qu’occasionnera l’inévitable révision de nos croyances fondamentales? Comment survivrons nous à la désillusion? Il existe encore des traditions, des sagesses d’où nous pourrions tirer réponses à ces questions, si seulement le flash aveuglant des nouvelles technologies ne les rendait si difficile à distinguer…


Au plus reculé de mes souvenirs, depuis le jour de ma naissance à Winnipeg en 1969, je n’ai cessé de dessiner, peindre et construire. J’ai étudié ces choses sous la tutelle de divers mentors tout au long de ma jeunesse pour finalement compléter, en 1996, un Baccalauréat aux Beaux-Arts de l’Université du Manitoba. Plus tard cette même année, je déménage à Montréal, ville où je demeure depuis. Je garde un studio à Montréal et y expose régulièrement, grâce en grande partie à la généreuse représentation des galeries Roger Bellemare et Christian Lambert. Mon travail est présenté au Canada et en France et fait partie de plusieurs collections publiques et privées, entre autres celle du Musée national des beaux-arts du Québec. J’habite avec ma femme et notre fils dans le Mile End.