En tránsito

  • José Luis TORRES
du 12 janvier au 16 février 2008

En tránsito ou la dialectique d’un regard voyageur

José Luis Torres livre dans l’installation En tránsito, un paradigme de réflexions associées à son expérience d’émigration. Une expérience physique de déplacement, de changement d’environnement, mais aussi une expérience intime et intérieure du déracinement et de l’adaptation. Sur cette trame, des constats prennent forme. La mémoire et l’identité recouvrent une importance capitale: ce sont les uniques bagages du nomade. À partir de là, découvrir, s’ouvrir, se créer, au long du voyage qui mènent à de nouvelles racines et pour y arriver sans se perdre soi-même, l’émigré s’accroche à un outil puissant, son regard. Tránsito, de l’espagnol, signifie passage, circulation, transit. « En » tránsito, parce que l’exposition n’est pas seulement l’illustration d’un parcours mais parcours en soi, le parcours emprunté par un regard.

Tout le long de ce trajet sans point de départ précis, on observe un regard, comme on regarde un film tourné en mode caméra subjective. L’observateur-promeneur est amené à se déplacer dans l’espace pour y découvrir une série de « poste de travail », comme autant de laboratoire où une expérimentation est proposée. Il assiste alors à la transformation de l’espace de représentation sous l’effet de sa propre subjectivité. Se prêtant à cette pérégrination, il visite les vestiges du passage d’un regard, il assiste à la construction d’une mémoire visuelle. L’exposition propose un voyage au sein même de la psyché du découvreur, avec ce que cela comporte d’onirique et de vertigineux. Sur cette terre sans drapeau, insaisissable et fluctuante, les échelles changent sans préavis, les points de vue se multiplient, les utopies se matérialisent.

Ici, de minuscules palettes de manutention, icônes du transport de masse, acquièrent une charge hautement métaphorique de par leur petite taille. Là, des caisses sur roulettes transportant des morceaux de paysages archétypaux. Une construction vue des airs? Un petit bout de terre? Une allégorie des territoires parcourus et du souvenir qu’ils gravent dans la mémoire. Paradoxalement, plus loin, un observatoire mobile permet plutôt de transporter un regard méthodique et respectueux, circonscrit par des ouvertures qui isolent des portions de paysages comme pour y prêter une attention particulière. Après l’observation transportable et l’observatoire transporté, une autre posture est offerte: le fait de laisser sa trace. Telle une façon de laisser un souvenir de son passage mais aussi de se donner des repères, puisque chaque lieu visité participe à l’identité du promeneur, à sa mémoire et de facto, à son bagage.

Cette mémoire, offerte à l’observateur comme le journal intuitif d’un voyage initiatique, expose dans l’espace sa propre architecture. En pérégrinant d’un élément à un autre, d’une évocation à une autre, on assiste à la transformation de l’identité du nomade. Et par l’omniprésence de la terre, on aura compris qu’au terme de sa traversée, fort de sa nouvelle mémoire identitaire, le nomade se reconnaît et s’enracine.

Geneviève Caron


José Luis Torres est originaire de l’Argentine. Récemment son travail artistique autour des notions de territoire, de mémoire et de mobilité a fait l’objet de diverses expositions individuelles. Parmi les plus récentes, on compte Déplacements (Espace Virtuel au Chicoutimi, 2007), Paysages portatifs (Galerie d’art de Matane, L’Usine C de Montréal et Galerie d’art L’Union-Vie du Centre culturel de Drummondville, 2007); Le fleuve imaginaire (Musée d’art de Mont-Saint-Hilaire, 2007) et En amont (Musée d’art du Bas-Saint-Laurent de Rivière-du-Loup, 2007). Il a été en résidence à l’Andres Institut of Art de Brookline (Etats-Unis), au Centre Est-Nord-Est de Saint-Jean-Port-Joli et puis au GRAVE de Victoriaville. 

Le travail récent de José Luis Torres sera présenté en 2008 à La Maison de la Culture Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, à la Galerie d’art Louise-et-Reuben-Cohen de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick ainsi qu’à PEEP show (Paysages Éphémères / Espaces Publics) durant l’événement Paysages Éphémères à Montréal. 

L’artiste tient à remercier la municipalité de Montmagny pour son soutien.

Site internet de l’artiste