Essai pratique sur l’usage en général

Vernissage le 16 mai
  • Francis ARGUIN
du 16 mai au 11 juillet 2015

FRANCIS ARGUIN. ESSAI PRATIQUE SUR L’USAGE EN GÉNÉRAL

Cliquez ici pour lire l’article de Jérôme Delgado du 30 mai 2015 à propos de cette exposition

C’est un assemblage fort inusité que Francis Arguin s’est attelé à construire avec son Essai pratique sur l’usage en général. L’installation surprend d’emblée par son caractère absurde, rappelant un peu l’esprit dadaïste. Deux structures grillagées, fabriquées à partir de tiges de bois, se font face. Placés côte à côte, à une dizaine de centimètres environ, les deux treillis sont traversés par des objets variés qui a priori ont peu de liens entre eux, sinon qu’ils font partie de l’attirail utilitaire de la majorité des foyers nord-américains. Un débouchoir de toilette à ventouse, un ruban à mesurer, une serviette de bain, un rack contenant des chemises suspendues de couleurs variées, des cintres, un bâton de hockey recouvert de ruban adhésif et une prise électrique font partie de l’éventail des objets choisis par l’artiste, des objets qu’il s’est visiblement amusé à positionner à même sa structure, découpant, sciant ou encore étirant certains d’entre eux pour les faire passer à travers ses cloisons. Le treillage qui sert à donner corps à l’œuvre rappelle l’univers de la construction. Les trois montants orange du treillis viennent visuellement rythmer la composition de l’œuvre tout en évoquant la couleur fétiche de la signalétique sécuritaire propre aux chantiers de travail. Similairement, par leur forme rectangulaire, les mailles des deux treillages suggèrent l’idée que les deux murs sont composés de briques. Malgré cette référence directe à l’univers du construit et malgré le format relativement imposant de l’installation, qui surpasse en hauteur comme en largeur la taille humaine, la double palissade apparaît très fragile. Les objets qui s’y logent semblent en équilibre précaire, tout comme semble l’être l’ensemble de la structure, marquée par l’omniprésence des vides. Sans fonction précise ni vocation utilitaire, l’installation, mis à part sa taille, a tout pour rappeler les constructions éphémères bricolées par les enfants par libre association.

Essai pratique sur l’usage en général est le deuxième projet sculptural, après Place-du-Concierge (2014), dans lequel Francis Arguin travaille principalement avec des objets préfabriqués. Plutôt que de pasticher de façon artisanale des objets manufacturés comme il avait l’habitude de le faire dans ses constructions antérieures, les objets usinés sont ici intégrés, pratiquement sans retouche, à même sa structure. Ce changement d’approche par rapport au faire et d’attitude quant aux choix des matériaux a un double effet pratique et esthétique. D’une part, et aux dires même de l’artiste, cette nouvelle façon de procéder lui permet de sauver un temps considérable en atelier, lui évitant de refaire jusqu’à satiété d’innombrables retouches afin de satisfaire son penchant perfectionniste. D’autre part, cette nouvelle approche confère à ses œuvres une apparence plus industrielle qui s’écarte de l’esthétique du « décor en carton-pâte » qui faisait préalablement sa signature. L’assemblage d’objets usuels, ainsi détournés, n’est aussi pas sans rappeler notre monde contemporain où le préfabriqué et le prémonté sont légion.

Le fait qu’Arguin ait abandonné ou, disons, réduit de façon considérable l’apport de fabrication manuelle au sein de ses œuvres ne résulte pas d’une simple paresse, mais d’une quête de liberté quant à sa pratique. Pour un artiste comme lui qui maîtrise aussi bien le savoir-faire, ce geste est tout à fait audacieux, mais peu étonnant de sa part. Rappelons qu’initialement connu pour son travail performatif, Arguin a graduellement délaissé la performance pour investir le champ de la sculpture. Bien qu’étonnant pour certains, ce passage s’est naturellement imposé à l’artiste, pour qui défricher de nouveaux territoires apparaît essentiel pour garder sa pratique vivante, près de ses intérêts du moment. Mais loin d’en souffrir ou de s’étioler, on constate que la vision artistique d’Arguin se précise au gré de ses recherches. Ses intérêts pour la construction (autant au sens littéral que sémantique), pour la rencontre entre le réel et la fiction, pour la banalité du quotidien et pour le design graphique s’entremêlent singulièrement au sein de ses interprétations ludiques. Bien que le titre de son installation présentée au CIRCA est un clin d’œil aux différents guides pratiques qui, à partir d’une liste de trucs-conseils, visent à garantir un certain standard de performance quant à la réalisation d’une tâche donnée, le titre peut aussi être entrevu d’un point de vue littéraire, le mot « essai » faisant alors référence à une œuvre de réflexion personnelle sur un sujet précis. Sous cet angle, l’installation Essai pratique sur l’usage en général peut être lue comme une réflexion tangible et plastique sur l’ordinaire de la culture matérielle qui façonne et fabrique en partie le tissu de nos vies. 

Ariane De Blois


Francis Arguin s’intéresse au design, à l’objet d’art, aux choses d’allure irréprochable fabriquées par la machine ainsi qu’à ce qui appartient à l’ordre du bricolé. Touche-à-tout, sa production s’oriente pour le moment vers la sculpture et l’installation. À travers ses œuvres, il cherche à amuser, à surprendre, à tromper, à dérouter. Retenant l’aspect plastique et esthétique de certains objets ou détails observés au quotidien, il les interprète et les transforme en des objets qu’il espère singuliers.

Originaire de Rouyn-Noranda, Francis Arguin vit à Québec. Il détient un double baccalauréat en arts plastiques (2005) et en design graphique (2003), tous deux de l’Université Laval. Au cours des dernières années, son travail a été présenté en de nombreux endroits au Québec : le centre Bang, la maison de la culture Frontenac, la Galerie B-312, l’Œil de Poisson, etc. Il a également présenté plusieurs performances au Québec, en Ontario, ainsi qu’en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Europe et en Asie.