Imager du corps

  • Yves-Laurier BEAUDOIN
du 9 septembre au 7 octobre 2006

« Imager. Les sculpteurs ont été aussi appelés imagers ou tailleurs d’images dans leurs anciens statuts. »
Pernety, Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1756.

Si tout au long de l’histoire de l’art, la représentation du corps humain fût régie par une multitude de procédés de mesures soi-disant universels, que reste-t-il alors de ce lourd bagage historique aujourd’hui ? Un artiste peut-il véritablement échapper à toutes les survivances de l’histoire de la représentation de la figure humaine ? Ces procédés de mesure peuvent-ils à leur tour échapper à la condition humaine, essentiellement subjective et diversifiée ?

Les survivances se présentent souvent comme des structures fantomatiques dans les productions artistiques actuelles. Elles sont aussi ancrées dans notre perception. L’imager du corps, qui taillait autrefois l’image du corps idéal prescrit par son époque, s’est ici converti en véritable inspirateur d’images et de réflexions sur celles-ci. Des éléments de mesures corporelles, des reproductions de planches anatomiques anciennes ainsi que des empreintes du corps se côtoient et génèrent entre elles une négation de leur unique véracité. Les traces corporelles fossilisées dans le plâtre, la cire ou la photographie, engendrent à leur tour un questionnement sur les différents niveaux de réalité dont chaque médium peut apporter. On a déjoué le procédé traditionnel de mise au carreau par un quadrillage irrégulier, une grille tridimensionnelle créée par la superposition des boîtes. Mais l’image fractionnée par un tel procédé ne perd-elle pas ainsi un peu de son essence ? Les délimitations asymétriques entre les boîtes, contenant des empreintes isolées du corps, soulignent le caractère fragmentaire qu’engendrent toutes formes de ruptures à l’intérieur d’une image.

Par ailleurs, le corps humain, par son indiscutable singularité, résiste à tous les modèles représentatifs que l’histoire a su lui construire. Ainsi on retrouve des morceaux d’empreintes humaines qui semblent toujours insaisissables malgré l’instrument de mesure qui tente de les contenir. L’oeuvre offre au spectateur une expérience, celle de pouvoir saisir en un même moment de perception des manières distinctes de mettre le corps en représentation. Le spectateur peut prendre plaisir à déjouer les codes de représentations au même moment où il les saisit. Il participe à une sorte de casse-tête, un jeu perceptif qui met en relief le foyer de la représentation qui est avant tout dans sa propre perception.

L’artiste a ici pris pour modèles des membres de sa famille pour créer certains éléments de l’oeuvre, les empreintes corporelles. Le microcosme du corps familial est représenté dans une sorte de cabinet de curiosité, ce meuble-lieu qui, aux XVIe et XVIIe siècles, donnait cette impression de reconstruire le mystère de la création du monde. La science n’avait alors pas encore établi ses grandes lois de classifications. Les objets y étaient disposés pour renchérir le mystère de la vie plutôt que de le désincarner par des élucidations. L’oeuvre d’Yves-Laurier Beaudoin redonne merveilleusement chair et mystère à l’image corporelle tout en la questionnant profondément.

Paule Mackrous


Formation
2007 Maîtrise en arts visuels et médiatiques, UQAM

2002 Baccalauréat en arts visuels, UQAM

Expositions individuelles
2007 Musée d’art contemporain des Laurentides, Saint-Jérôme

2006 Centre d’exposition Circa, Montréal
2003 Collectif Regart, Lévis
2003 Centre des arts contemporains du Québec à Montréal, Montréal 2002 Galerie Port-Maurice, Centre culturel, Saint-Léonard 

Expositions collectives
2002 Galerie de l’UQAM, Montréal

2001 Galerie de l’UQAM, Montréal

Prix et bourses
2006 Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture

2005 Conseil de recherches en sciences humaines du Canada
2004 Bourse Girardin-Vaillancourt, Fondation Desjardins
2001 Bourse de la Fondation McAbbie

Enseignement
2005 Chargé de cours, École des arts visuels et médiatiques UQAM

L’artiste tient à remercier Cassandra Beaudoin, Jean Beaudoin, Jean Dubois, Murielle Farley, Patrick Gaudette, Danny Glaude, Michel Goulet, Pete Laxson, Leonardo da Vinci, Maricarmen Merino, Gilles Rivard, Andreas Vesalius