Imbrication (machines à réduire le temps)
- Diane MORIN
Utiliser le potentiel de la lumière pour générer des événements. Voilà, en quelques mots, l’un des axes principaux de la pratique de Diane Morin. Donner lieu à des phénomènes lumineux, éphémères, inaccoutumés, voire quasi inobservables. Pour y arriver, l’artiste emploie des machines cinétiques de sa fabrication.
Pour ce projet au Circa, Morin a élaboré son propre dispositif de projection automatisé. En résultent des jeux d’ombrages animés et minimalistes qui s’apparentent au théâtre d’ombres. Toutefois, ce «cinéma sans caméra ni projecteur», se veut, à la base, une recherche sur l’espace, sur l’objet et sur la durée.
[…]la structure du dispositif est proche de celle d’une projection cinématographique. Plutôt qu’une bande de film se déroulant devant une source de lumière unique, une série d’objets placée au sol est illuminée par plusieurs sources lumineuses : une suite de projections qui se succèdent en différents points de l’espace.
À l’aide de lumière DEL et d’arbres de maquettiste, l’artiste donne l’illusion du mouvement à des objets inanimés (comme avant elle les frère Lumière ou Thomas Edison). En résulte un véritable défilement de jeux d’ombrages qui crée des paysages et un tableau dynamique.
[…]ces animations sont construites à partir d’un principe de déphasage : les ombres issues de séries d’objets sensiblement différents sont projetées successivement au même endroit dans un bref laps de temps, cette synchronisation créant l’illusion d’une animation rudimentaire, dépendante de la position relative des objets dans l’espace.
Pour modifier la trame des ombres Morin synchronise les éclairages. Un système automatisé orchestre les changements des séquences lumineuses. De plus, des mécanismes de transfert de force de machines simples (leviers, bielles) modulent l’agencement des objets.
[…]m’approprier les technologies servant à construire mes dispositifs est une façon pour moi de questionner notre relation à ces technologies. Développer mes propres systèmes électroniques en autodidacte limite mes moyens et en soi cette limitation est quelque chose de très important.
Alliant plexiglas, moteur et circuits imprimés, la machine conçue par l’artiste prend ici une place aussi importante que les projections. À la fois fort épurée et pourtant chargée, cette machinerie se présente comme objet esthétique tout en constituant un élément significatif de la mise en espace de l’installation. Il y a quelque chose de très désuet, mais à la fois de très actuel, dans la décision de ne pas dissimuler cette quincaillerie. L’oeuvre est marquée par un souci de transparence.
[…]ne pas camoufler les circuits, les fils, la structure du mur qui reçoit les projections, préserver les erreurs de fabrication : il est important que le visiteur puissent s’approprier le dispositif[…] pour moi la machine ici c’est non seulement les mécanismes au sol, mais bien ces mécanismes en relation avec le mur qui reçoit les projections : ils s’agencent en tant que segment d’un dispositif qui pourrait être plus vaste, mais qui pour l’instant occupe ce lieu précis de l’espace chez Circa, et c’est tout l’espace de la galerie qui s’en trouve affecté […]
À cet effet, chez Morin, la lumière est non seulement un matériau essentiel mais constitue un véritable leitmotiv : un «moyen de provoquer des événements, d’inscrire le temps et de marquer le contour des choses.»
Eloi Desjardins
Originaire de la région de Kamouraska, Diane Morin vit et travaille à Montréal. Depuis 1998, elle réalise des installations liant sa pratique à l’art cinétique et aux arts médiatiques. Son travail a été présenté dans le cadre d’expositions individuelles et collectives à Montréal et ailleurs au Canada, en Suède et en Finlande. Récemment son travail a été présenté en solo à Neutral Ground (Regina, 2012)et lors de la Manif d’art 6 (Avatar, Québec, 2012). En 2011, elle recevait le Prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des Arts du Canada, soulignant les réalisations exceptionnelles d’un artiste canadien des arts médiatiques à la mi-carrière.
L’artiste remercie Pierre Dion, Mariángela Aponte Núñez, Claudette Lemay, Marc Dulude, Thierry Lachapelle et Rosalie Dumont-Gagné pour leur assistance ainsi que Rustines|Lab (Montréal), SUMU Artist-in-Residence (Turku, Finlande), le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada pour leur support à la recherche ayant mené à la réalisation de ce projet.
Article de Marie-Eve Charron dans Le Devoir
Article de Sylvain Champeau dans le Huffington Post