INTERTYPES

  • Tanya St-Pierre et Philippe-Aubert Gauthier
Du 19 mars au 30 avril 2022

-Galerie I-

INTERTYPES

 

« […] media archaeology is both a method and an aesthetics of practicing media criticism, a kind of epistemological reversed engineering, and an awareness of moments when media themselves, not exclusively humans anymore, become active « archaeologists » of knowledge.[1] »

 

À travers la lentille de larchéologie des médias, témoignant du remplacement danciennes technologies par de nouvelles, et des implications que cela engendre, il devient possible de tirer les ficelles vers des futurs enfouis au cœur même de leurs affiliations passées.

INTERTYPES porte un regard sur l’empreinte culturelle de l’impression 3D dans l’évolution des techniques d’imprimerie, investiguant ainsi leur continuité historique et culturelle. Il s’agit plus spécifiquement d’un corpus d’œuvres qui aborde la question des développements technologiques selon une perspective de remédiation, c’est-à-dire par la manière dont les outils et dispositifs antérieurs influencent ceux actuellement en émergence et ce, sous l’angle de l’archéologie des médias, soit de la lisibilité dun fil conducteur à travers nos artéfacts contemporains. Comment par exemple des « accidents » historiques se retrouvent-ils encodés et portés jusqu’à nos cultures numériques actuelles? S’y faufile aussi en filigrane une réflexion sur l’image imprimée et en mouvement dans l’histoire, de même que sur sa valeur de vérité et sa capacité à véhiculer des contenus au-delà de ses contours visibles. Constituée d’impressions 2D et 3D et d’animations de synthèse comme contrepoint narratif, l’exposition se décline comme un ensemble hybride et non linéaire de représentations, d’interprétations et de projections.

L’œuvre d’animation 3D articule ces enjeux avec une acuité particulière. Comme le suggère le titre INTERTYPES, entre les types et les périodes se trouve toujours un chemin continu ponctué dancrages historiques. Une machine Canon VarioPrint i300 industrielle émerge dune flaque de résine liquide telle la matérialisation dune impression 3D; de la lumière traverse le disque circulaire dune imprimante Lumitype-Photon, machine iconique commercialisée en 1956 qui déplaça la composition typographique vers la photocomposition; nuages de fumées et de poudres, évoquant le noir de fumée, base historique de lencre noire et de limpression. Croisant et entremêlant ainsi les époques, les histoires, les lumières, les encres et les résines, l’œuvre suggère une forme de narration science-fictionnelle, quamplifie une temporalité ralentie. Ce panorama semi fictif contient et déploie néanmoins un pan de lhistoire : celui des connaissances, des développements technologiques et de la contestable idée de progrès, qui trouvent leur ancrage à travers les indices matériels de la reproductibilité technique.

La manière dont les technologies anciennes sont liées à celles que nous utilisons actuellement nous informent sur la constance d’une filiation culturelle à travers le temps. Il s’agit cependant d’une constance à vitesse variable, ponctuellement marquée par des accélérations momentanées où l’innovation devient disruptive. Puis dans ces ruptures opèrent les changements de paradigmes, dans le sillage desquels les spectres les plus prégnants s’inscrivent déjà dans l’avenir et ses possibles.

 

Nathalie Bachand


 

[1] Wolfgang Ernst, « Media Archaeography – Method and Machine versus History and Narrative of Media » dans Media Archaeology – Approaches, Applications, and Implications (Erkki Huhtamo et Jussi Parikka), 2011, Berkeley, University of California Press, p. 239.

 

Biographie de l’auteure

Nathalie Bachand est auteure et commissaire. Elle s’intéresse aux problématiques du numérique et à ses conditions d’émergence dans l’art contemporain. Son exposition The Dead Web – La fin, présentée à Eastern Bloc à Montréal, a récemment été coproduite par Molior en Europe.

Elle est également codirectrice artistique pour Sporobole.

 

Biographies des artistes

Philippe-Aubert Gauthier est ingénieur mécanique, maître ès sciences, docteur en génie mécanique (acoustique) et professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM. Il travaille à la croisée des arts, sciences et technologies. Il est actuellement directeur associé du Centre for Interdisciplinary Research in Music, Media and Technology et président de Sporobole.

Tanya St-Pierre est artiste en arts visuels, sonores et médiatiques. elle est détentrice d’un baccalauréat en arts plastiques de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Depuis 2003, leurs démarches se rencontrent dans des projets collaboratifs. Leurs intérêts et engagements respectifs sont abordés dans des échanges découlant vers des propositions artistiques hybrides qui résultent de joutes autocritiques et d’inventions en duo. Leur travail en duo a été présenté au Québec, au Canada, aux États-Unis, au Mexique, au Maroc, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Japon.

Les artistes remercient le Conseil des arts et des lettres du Québec, la galerie d’art Foreman de l’Université Bishop, Sporobole et le Musée d’histoire de Sherbrooke, ainsi que Gentiane Bélanger, Sophie Drouin et Nathalie Bachand.

 

Crédit vidéo: Tanya St-Pierre et Philippe-Aubert Gauthier

Crédit photo: Jean-Michael Seminaro