L’amour et la guerre

  • Dominique SIROIS
du 19 mars au 16 avril 2011

Artiste multidisciplinaire, Dominique Sirois propose une réflexion sur le travail et sonde les contrastes entre la qualité artistique et la valeur, temporelle ou marchande, des objets. L’artiste interroge, en opposition avec l’étalage de l’objet usuel, les protocoles d’exposition de l’art qu’elle exalte avec des installations ludiques et clinquantes. Les interventions de Sirois autour de la divergence entre la valeur des objets et celle de leurs matériaux l’amène aujourd’hui à considérer les enjeux économiques inhérents à l’acte d’exposition.

Dans un univers noir et blanc où la sévérité de l’acier est amplifiée par la parade de son éclat froid, Sirois met en scène deux mannequins habillés de cottes de mailles artisanales entourés de part et d’autre par une tapisserie tirée d’un photomontage publicitaire et un étalage courant de produits de beauté. D’emblée, L’amour et la guerre matérialisent l’affrontement comme mode de domination. Dans différentes proportions, les préliminaires d’une lutte pour la longévité s’organisent. Entre les mannequins protégés contre leur environnement et les emballages de plastiques en compétition avec l’invasion minérale qui les afflige, Sirois établit les manèges du conflit économique : la matière rivalise avec le produit pour la postérité.

Au coeur de cette guerre, les enjeux sont divers. Seulement, l’installation de Sirois suggère une lecture quasi érotique de la compétition économique. En effet, les produits de consommation se rapprochent dans L’amour et la guerre des objets de désir et de séduction, et manifestent ainsi leur identité sexuelle implicite. Dans une perspective marchande, un objet n’est jamais qu’un objet, il représente plutôt une conception matérielle de l’être. Logo d’un constructeur automobile, maquillage et publicité sont rassemblés comme autant de marques identitaires que d’indices de domination économique. Loin de s’arrêter au fétiche de la femme-objet, l’artiste sonde en vérité les conditions générales de l’exploitation pécuniaire de l’identité. De là, objets et individus se révèlent tels les produits et les enjeux de cette guerre pour le profit et la pérennité.

Avec cette nouvelle installation, Sirois examine les dualités immanentes de l’univers économique. S’opposent dans son oeuvre, les identités aux marchés et les matières aux produits, mais sans démonstration de brutalité. L’artiste joue plutôt avec les contrastes de ses matériaux pour dévoiler la nature souvent furtive des rapports d’opposition. Ainsi, les matières exploitent les corps, s’approprient l’espace et recouvrent de leur substance les autres objets de manière presque convenue. La relation économique dépeinte par Sirois prend alors des allures de dépendance amoureuse où les stratégies de chevauchement des matières s’apparentent à des liaisons figées dans le temps. En ce sens, L’amour et la guerre offrent une vitrine sur la complexité lente des liens économiques.

De toute évidence, l’étrange corrélation énoncée par Sirois entre l’appartenance au champ économique et la résistance à la menace permanente de ce système est le résultat d’un long processus de manipulation. Les éléments exposés sont en proie à une forme d’intimidation qui met en péril leur identité, pourtant, autant ils tentent de lui survivre, ils participent néanmoins à sa diffusion. Si bien que, de victime à bourreau, les rôles dans les rapports économiques sont incontestablement muables et indéfinis. Tout cela considéré, on comprend que, par la promesse d’amarrer la mouvance parfois angoissante de nos personnages, l’économie et sa mise en marché identitaire parviennent à exercer leur domination passive.


Artiste multidisciplinaire originaire de Montréal, Dominique Sirois crée des installations composites, des performances sonores et des interventions dans l’espace public. Elle développe ses projets en juxtaposant des éléments provenant de l’univers du travail, de l’économie, de la mode et de l’art. De 2006 à 2009, elle a réalisé plusieurs projets où elle s’est inspirée de son expérience de travail dans un Musée. Une des pistes de réflexion développée dans ce contexte fut le rapport entre phorie et dyphorie (plaisir et déplaisir). Celui-ci a pris forme à travers une manipulation de sons évoquant à la fois de la musique techno et des sons de systèmes d’alarme et ce, à l’intérieur d’installation avec des dispositifs interactifs. Par des mises en espace rappelant la présentation muséale ou la structure de l’étalage, son travail d’installation questionne les notions de valeur et de permanence. À travers l’assemblage et la transformation d’objets usuels, elle interroge aussi les modes de production de masse. D. Sirois détient une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’UQÀM, ses projets ont été présentés dans plusieurs centres d’artistes au Québec dont récemment au Lieu (Québec, 2011), à Circa Montréal, 2011), à Skol et Clark (Montréal, 2009) ainsi que dans divers événements au Canada et à l’étranger.

Dominique Sirois est doctorante et chargée de cours au département d’Histoire de l’art de l’UQÀM. Ses recherches s’intéressent à l’ontologie de l’oeuvre contemporaine et à la notion d’objet dans les pratiques artistiques actuelles. Sirois participe aussi à différents colloques et publications portant sur les discours et arts émergents. Dominique Sirois vit et travaille à Montréal.

L’artiste tient à remercier la Fonderie Darling, l’Atelier Clark, Natacha Chamko et David Jacques.

Site internet de l’artiste