Le Jeu du collectionneur

  • Gilbert POISSANT
du 5 avril au 3 mai 2008

Qu’est-ce qu’une vie ? Un laps de temps plus ou moins long où l’on accumule des objets qui sont des avatars de nous-mêmes. Cette accumulation d’objets, à la fin de la vie, culminera, puis les choses seront dispersées pour être intégrées à de nouveaux rassemblements.

Les artistes, toutefois, leur réservent un autre sort. Il en est ainsi de la « ligne de vie » que Gilbert Poissant installe sur les murs de Circa. Dans La collection, plus de 600 objets sont méticuleusement alignés suivant un ordre de grandeur très strict, avec un rythme particulier. Ce sont surtout, mais pas seulement, des objets de bois.

L’ordre donné par l’artiste favorise une présentation où l’élégance de la forme prédomine et happe le regard au premier abord. Puis, la nature des objets apparaît dans toute sa diversité, sinon son éclectisme : plateau, marteau, chandelier, métronome, pinceau, outil, bol à salade, fragment de jeu architectural, statuette, forme à chapeau ou à soulier, moulure de tringle, montre, dé à jouer, base de siège d’auto, règle, sans compter des objets énigmatiques et même des oeuvres d’art populaire…

Chaque objet a trouvé son chemin vers l’atelier sans que l’artiste ait au départ l’objectif de les assembler ; il les a choisis exactement à l’image d’un collectionneur. La collection est un recueil partiel et partial de la production d’objets utilitaires et décoratifs du vingtième siècle.

Le jeu architectural qui complète l’exposition découle de la première oeuvre. Les contours de chaque objet ont été numérisés, puis reproduits dans deux matières différentes : le bois (l’érable, le contreplaqué de merisier russe et des bois exotiques) et l’acrylique. Certains objets restent reconnaissables, d’autres prennent des allures étranges, mais tous sont mis au service de la création d’une cité imaginaire. Quelques références se lisent dans l’organisation générale, comme Le Corbusier et sa Ville contemporaine de trois millions d’habitants, Frank Lloyd Wright et sa Broadacre City.

A Circa, l’artiste nous en propose une version, mais de multiples déclinaisons sont possibles. Les éléments qui composent le jeu témoignent d’une grande diversité de formats : de la géométrie élémentaire à des formes complexes et pour certaines, alambiquées. Certains chercheurs ont constaté que la langue n’a pas besoin d’être parfaitement écrite pour être comprise ; de la même façon, le fragment d’édifice et la composante urbaine n’ont pas à être absolument ressemblants pour évoquer une cité.

L’élaboration de l’alignement impeccable de La collection et la confection du jeu architectural se sont étendus sur cinq ans. Au-delà de la fabrication d’objets, l’artiste poursuit tout en le diversifiant un travail axé sur la mémoire, le passage du temps et la constitution d’un langage graphique unique ; la dimension poétique qui s’y loge n’est pas la moindre de ses qualités. Céramiste de formation, Gilbert Poissant a bifurqué vers d’autres matériaux, sans toutefois renoncer à sa première pratique. La collection et Le jeu ont déjà alimenté la création d’oeuvres céramiques, dans un croisement disciplinaire fécond.

Pascale Beaudet


Céramiste de formation, Gilbert Poissant en est venu à transformer sa pratique en lui intégrant d’autres horizons techniques et esthétiques. Cet artiste transdisciplinaire touche à la fois la sculpture, l’installation et la murale et utilise divers matériaux tels la céramique, le bois, la pierre et l’objet trouvé en intégrant souvent les procédés numériques.

Reconnu pour sa contribution à l’art public, Poissant est le créateur de nombreuses oeuvres intégrées à l’architecture. En 1999, il remportait le concours national pour la réalisation de l’oeuvre d’art qui orne l’École nationale d’administration ses publique à Québec. Parmi les plus récentes, notons celle de l’École de Technologie supérieure à Montréal et celles de la Faculté de médecine vétérinaire de
l’Université de Montréal à Saint-Hyacinthe.

Sa démarche artistique personnelle, fortement marquée par la recherche constante de nouvelles approches, s’est manifestée dans des expositions en galeries, centres d’artistes ou musées au Québec, au Canada et à l’étranger. En 2007, il a été invité à créer une oeuvre permanente au FuLe International Ceramic Art Museums (FLICAM) à Fuping, en Chine. En 2005, il fut invité au symposium international
Barro de América au Venezuela.

Sur le plan du contenu, Poissant s’intéresse au passage du temps et aux différentes façons de le mesurer. En outre, l’architecture est une source majeure d’inspiration, qui contribue à structurer sa poétique de l’espace. Avec ses formes synthétiques ou non-fi guratives, le langage visuel forgé par Gilbert Poissant se situe aux frontières de l’abstraction. Bidimensionnelles ou tridimensionnelles, les oeuvres de cet artiste polyvalent résonnent entre elles : la réfl exion amorcée par l’une se prolonge dans une autre. Au surplus, dans les oeuvres ainsi créées, l’intelligence du propos s’allie à la poésie de la couleur et des surfaces.

Remerciements : Conseil des Arts du Canada
Paul Livernois, Stéphane Leclerc