Les déplacements

  • Bruno SANTERRE
du 27 février au 03 avril 2010

L’atelier en déplacement

Au cours des dernières années, l’artiste Bruno Santerre s’est signalé dans un créneau visant à rendre poreuse la démarcation entre l’atelier et la galerie, tant par les modes d’accrochages privilégiés que par des renvois à l’architecture de son propre lieu de travail. Pour la présente exposition, il a moins tenté d’observer et de saisir la lumière entrant dans son atelier – autre caractéristique de son travail récent – que de soumettre cet atelier à d’autres lumières.

L’exposition s’ouvre sur le diptyque Dans la lumière, l’atelier. Dans ce titre se manifeste une volonté de positionner le travail. Ce n’est plus la lumière de l’atelier qu’il s’agit de comprendre; l’enjeu s’est déplacé vers une intention de rechercher les lumières de lieux différents afin de les passer au crible de son propre studio. Muni d’une maquette d’un des puits de lumière de son lieu de travail, lesquels laissent entrer la lumière dont l’artiste a su auparavant analyser et transmettre finement les transformations, Santerre s’est frotté à d’autres lieux de création, ceux de Vermeer et de Brancusi, chez qui la lumière a joué un rôle primordial.

Muni de ce simple appareil, Santerre a partiellement obstrué l’objectif de l’appareil photographique pour ses prises de vue. Ce faisant, d’un lieu à l’autre, il révèle l’influence de lumières allogènes dans la perception d’un espace pour lui familier. En écho à cette suite, d’autres compositions reprennent la figure de l’oculus, familière chez l’artiste : une sphère bleue y bloque la vue partiellement, peut-être pour signifier que ce sont vers les marges de sa propre production que l’intérêt de l’artiste désormais se concentre.

Le voyage et les déplacements sont sans cesse signalés dans l’exposition. L’artiste livre même ses recettes d’atelier, dévoilant sa maquette en entier devant d’autres lieux encore. Elle encadre toujours ce qu’il y a à voir, mais il s’agit cette fois de lui rendre une réalité davantage sculpturale. Une seconde maquette, celle d’un mur et du plafond de l’atelier, est déposée sur un trépied et placée devant les images les plus récentes de l’artiste, produites depuis l’atelier du centre d’artistes Vaste et vague, à Carleton en Gaspésie. Substitué en galerie à l’appareil photographique, ce modèle réduit assume davantage un double statut d’élément sculptural et d’instrument optique.

Il serait tentant d’inscrire une partie de ces oeuvres à la pratique de nombres d’artistes contemporains utilisant la photographie de maquettes. Or, Santerre s’est moins intéressé au potentiel illusionniste de ce procédé qu’aux nouvelles expériences procurées par ses déplacements. Les oeuvres constituent des traces de ces voyages et mènent au constat suivant : l’atelier est délaissé sans être totalement occulté.

C’est ainsi que l’on pourra dire que cette nouvelle approche, toujours centrée sur l’atelier mais de manière paradoxalement excentrique, aura permis à l’artiste de produire des oeuvres qui retiennent des leçons encore naissantes. Au-delà des objets, il s’agit d’une manière de traduire les expériences de l’atelier tel qu’il a été transformé par les excursions de l’artiste. Au final, l’espace de la galerie est habité par des oeuvres inédites qui ont toutes comme caractéristique d’avoir intégré le fait d’être portables et, surtout, manoeuvrables, prêtes à bouger encore.

Bernard Lamarche


Bruno Santerre vit et travaille à Rimouski (Québec). Parmi ses expositions individuelles récentes, notons Dans la lumière de l’atelier (en déplacement), au Centre d’artistes Vaste et Vague, Carleton (2009), Dans la lumière, Centre national d’exposition, Jonquière (2009), Dans la lumière de l’atelier (nuages et ombres blanches), chez Circa, Montréal (2007); Dans la lumière de l’atelier, tracer le rebord des nuages, chez Plein sud, Longueuil (2006); Dans l’atelier de Palomar, chez Occurrence, Montréal (2004); Voir, savoir et croire, (avec Laurie Walker), au Musée régional de Rimouski (1997).

Depuis 1982, il a participé à de nombreuses expositions collectives notamment, en France, à la Galerie Calibre 33 et à la Villa Arson (Nice); à la Librairie du Québec (Paris); à l’Université de Metz; à l’École des Beaux-Arts de Nancy et, au Canada, à la Galerie Sans Nom (Moncton); à la Pitt International Gallery (Vancouver); au Musée national des Beaux-arts du Québec; au Musée d’art de Joliette; au Musée régional de Rimouski; à la Galerie Trois Points, chez Skol et Circa (Montréal). 

Titulaire d’une maîtrise en Arts plastiques à l’Université du Québec à Montréal en 1988, il a été reçu comme artiste en résidence au Centre d’artistes Vaste et Vague, Carleton (Québec), au Centre Sagamie, Alma (Québec), à la Villa Arson, Nice (France) et au Centro internazionale di sperimentationi artistiche à Boissano (Italie). Ses oeuvres ont accompagné des recueils de poésie de Paul Chanel Malenfant et d’André Gervais aux Éditions du Noroît et il a réalisé un livre d’artiste avec André Gervais, Le poète intervalii dans la variante amoureuse, publié en 1996 aux Éditions Roselin. 

Récipiendaire en 2008 du Prix à la création artistique (région Bas-Saint-Laurent) du Conseil des arts et des lettres du Québec, Bruno Santerre a réalisé plusieurs oeuvres d’intégration à l’architecture au Québec. Il a participé à la Biennale nationale de sculpture contemporaine à Trois-Rivières (2004) et au Symposium international d’art in situ Lumières, réflexion de l’insondable, au Musée régional de Rimouski (2003). Ses oeuvres font partie de plusieurs collections publiques et privées au Canada.

Il participe, en février 2010, à l’exposition Art souterrain, dans le cadre de Montréal en lumière et le Musée régional de Rimouski présentera du 15 avril au 6 juin 2010 une exposition bilan des ses dix dernières années de travail.