Portrait de ma cour : les résilients

  • Sylvie FRASER
du 25 février au 31 mars 2012

Ce nouveau corpus d’oeuvres s’élabore en continuité avec mes récentes expérimentations autour de matériaux organiques et éphémères. L’exploration du portrait, déjà amorcée dans ma production précédente, demeure une préoccupation. Portraits de ma cour : les résilients présente une série de portraits composés à partir de mosaïques de graines, de céréales, de semences et de légumineuses, dans le but de mettre en scène une réelle croissance végétale. Ainsi chaque portrait donne à voir, au début, une image hyperréaliste qui par la suite se transforme par la germination et l’apparition d’un micro-paysage vivant.

Au niveau formel, les portraits s’inspirent des portraits royaux du 15e siècle où les visages sont présentés de profil avec, à l’arrière-plan, un champ de profondeur voué à la représentation idyllique d’un paysage: des portraits traités à la manière d’une nature morte. Nous pensons ici aux peintres Memling, Pisanello, Della Francesca et bien sûr Arcimboldo. Dans Portraits de ma cour: les résilients, des personnes choisies dans mon entourage personnel et familier (ma “cour” fictive comme lieu de socialisation domestique en opposition à celle de la noblesse dans l’histoire de l’art) servent de canevas à l’élaboration des images. Les paysages en arrière-plan donnent à voir des références aux paysages domestiques et urbains de ma propre cour nous situant dans une contemporanéité intime.

La “résilience” telle qu’explorée en psychologie par le psychiatre Boris Cyrulnik, vouant à la psychée humaine la capacité de se transformer, de ressurgir et de renaître aux suites d’un choc affectif, est ici explorée en métaphore. À partir d’une mort probable ou d’une inertie certaine, les visages faits de semences reprennent vie dans une nouvelle représentation qui se rapproche à une petite géographie humaine et verdoyante. D’un état de putréfaction, les visages gonflent, se déforment et échappent à leur fin par les germes qui forment de petites forêts de pousses vivantes.

Dix portraits différents ont été soumis à une croissance hydroponique de 30 à 70 jours ce qui a permis un rituel de prises photographiques documentant l’évolution et la transformation des visages. Tous ces moments (un oeil gonflé transformant le regard, de la moisissure apparaissant aux commissures des lèvres, des racines de cheveux effilochées de vert ainsi que les insectes qui y survolent) deviennent des moments d’expressivité intéressants à capter.

La petite salle du centre d’exposition Circa, transformée ici en musée, expose cette collection de portraits dont la plupart sont présentés sous forme de photographies couleur de dimensions variables. Alors que certains exultent des moments précis de la croissance végétale, voire les plus évocateurs, d’autres, sous formes de montages vidéo, apparaissent dans une progression discrète et lente, saisissant ainsi la transformation des visages.

Sylvie Fraser


Titulaire d’un Maîtrise en arts plastique de l’Université du Québec à Montréal, Sylvie Fraser se démarque par un parcours multidisciplinaire. Ses interventions artistiques gravitent autour de différents médiums : des interventions in-situ, se rapprochant d’une certaine forme de land art, ont ponctué ses recherches depuis 1996 (Les horizons suspendus, 2003 et Les jardins tatoués, 2005, présentés à la galerie Artmûr). Toujours dans l’exploration des matériaux organiques , l’artiste compose des mosaïques de grains divers et fait pousser des images ou des fragments de tableaux, souvent en relations avec l’histoire de l’art maintenant ainsi une métaphore qui superpose “nature” et “culture” (Événement Orange, Centre Expression, 2003; Portraits de ma cour: les résilients, 2012, Circa)

Parallèlement à cette création éphémère, elle investit et documente, par la photographie urbaine, ce qui caractérise culturellement nos paysages québécois et notre attitude à la protection “caricaturable“ contre l’hiver. S’en est suivie plusieurs séries explorant les arbres « emballés » aux personnifications humaines et les abris tempo comme temples de protection symbolique (De Byzance à Dornbirn, Autriche, 2003; De nature intime, 2007, Artmûr).

Des projets d’art public, s’inspirant du land art, ont d’ailleurs pris racines dans divers édifices gouvernementaux entre autres : le CHSLD Riviera et le CHSLD du Marigot à Laval, Le centre de formation agricole de Mirabel, Les serres d’enseignement du Collège Lionel-Groulx, Le parc Laval-ouest. Passionnée par le volet pédagogique de la création artistique, Sylvie Fraser enseigne également les arts plastiques au collège Montmorency à Laval.

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