Fumées

  • Andréanne GODIN
du 20 octobre au 17 novembre 2012

Avant que la fumée ne vienne vers nous, avant qu’elle ne nous obsède complètement…

Nous enjambons les souches recouvertes de gros polypores. De la mousse tendre et verte, ainsi que des feuilles mortes tapissent le sol de la forêt. Regardant vers le ciel, la lumière nous éblouit par moments, filtrée par le motif ajouré des feuilles ondulant à chaque souffle du vent. Tandis que nos mouvements animent les fragrances du sous-bois, une douce odeur de moisissure, celle de la terre meuble, se mélange à celle des sapins Douglas, des graminées cespiteuses et des épinettes noires.

[…]

L’horizon, invisible derrière la colline, semble plutôt caché par les colonnes de fumée s’élevant dans l’espace. Se gonflant avec élégance, elles circonscrivent des formes duveteuses animant le bleu du ciel. Les colonnes oscillent au gré de la brise, au gré des masses d’air chaud et froid qui se rencontrent au-dessus de nos têtes.

L’air est maintenant épais, comme suspendu, il flotte étrangement entre ciel et terre. Couvrant nos visages à l’aide de tissus que nous nouons derrière nos têtes, nous scrutons la surface de la terre d’un air perplexe. Des flocons de cendre tombent du ciel, puis valsent dans leur chute. L’étrange impression d’immobilité planant sur la scène nous apporte un certain réconfort. La gravité du moment reste certes bien présente, nous empêchant d’avancer, elle nous oblige à une impuissante contemplation.

Je cherche mes repères; l’espace, le plan et la ligne se confondent. Je regarde ma montre, les aiguilles semblent fixes, comme empêtrées dans la lourdeur du temps…

***

En 2003, le Okanagan Mountain Park Fire a été le plus grand feu de forêt de l’histoire de la Colombie-Britannique. Il ravagea près de 62 000 hectares (256 km2) et força l’évacuation de 27 000 résidants de la vallée. L’intensité du feu était telle qu’il projeta des débris en flammes et de la cendre jusqu’à huit kilomètres de l’incendie principal. Témoin de ces événements, l’artiste se souvient d’odeurs, d’images et d’impressions d’espace qui précédèrent et succédèrent à l’incendie.


Andréanne Godin est une artiste qui explore les avenues multiples des nouvelles techniques de dessin. À travers des oeuvres éphémères explorant les zones de friction entre construction et destruction de l’image, elle cherche à comprendre les différents processus de transformation du paysage et de l’environnement qui nous entoure.

Originaire de Val-d’Or, Abitibi, elle vit et travaille maintenant à Montréal où elle poursuit une maîtrise en arts visuels à l’Université Concordia. Ayant obtenu une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec, ainsi qu’une autre du Conseil des arts du Canada, Andréanne a récemment présenté son travail dans plusieurs expositions individuelles et collectives au Québec, en France, ainsi qu’à Cuba. Parallèlement à sa pratique, Andréanne consacre aussi une partie de son temps à des projets de publication et de commissariat. Co-commissaire de l’exposition Pavillon levé (dix jours à vaincre les mortes eaux) au centre d’expostion Circa à l’été 2011 et co-coordonnatrice de la publication des étudiants de maîtrise de l’Université Concordia Lucky 7 chanceux en 2012, elle poursuit d’autres projets visant à dynamiser la scène artistique montréalaise.

Site d’Andréanne Godin