Sous le vernis

  • Éric Lamontagne présente Réal Lessart
Du 14 mai au 25 juin 2022

-Galerie II-

Sous le vernis

Sous le vernis est une exposition-installation quon pourrait presque qualifier dexposition-évènement, tant la proposition immersive d’Éric Lamontagne est singulière sur la scène de lart actuel. Fruit dun important travail échelonné sur de nombreuses années, l’œuvre met à profit la maestria technique du peintre et un ludisme bien assumé pour faire advenir un lieu particulier. Sorte de trompe-l’œil de grande envergure, les spectateurs sont appelés à y entrer pour y suivre le fil dun récit dont les ramifications s’étendent même au-delà de lespace dexposition.

Par une posture atypique, qui réfère presque davantage à la littérature quaux arts visuels et où la narration occupe une place prépondérante, lartiste conçoit en amont tout un monde dans lequel se placent les différents éléments de Sous le vernis. Quelques clés nous sont offertes dès le départ, par la prise en charge par lartiste du carton promotionnel de lexposition, sous la forme dun dossier « confidentiel » ayant une aura despionnage ou denquête policière. On y découvre les paramètres importants : dabord, le protagoniste, Réal Lessart, personnage inspiré du célèbre faussaire québécois. Puis, le décor : un bureau, une bibliothèque ou une étude, inspirée du XIXe siècle, sinon du début du XXe siècle. Finalement, la quête : pour Lessart, réaliser son chef-d’œuvre; pour le public, se lancer sur sa piste, le suivre dans son aventure qui se déroulera au tout long de lexposition, et peut-être le démasquer

La proposition est séduisante sur de nombreux plans. Linstallation ouvre un espace-temps qui se rapporte, autant dans son esthétique que dans les références que lartiste convoque, à l’âge dor dun roman policier fait de huis-clos et de mystères à résoudre par les indices et par la déduction. Sorte de polar peint, pour reprendre le terme d’Éric Lamontagne, l’œuvre est en effet parsemée de clins d’œil visuels, danachronismes et de québécismes qui nous situent entre lici et lailleurs, le présent et le passé, la réalité et la fiction. Cet effet est magnifié par les images dans limage : les motifs abstraits, tableaux, miroirs, effaçures et autres trouées qui suggèrent des passages secrets dun monde à lautre, des échappatoires ou des cachettes dont on ne sait pas sils nous sont destinés ou sils sont à lusage du faussaire. Dans ce double jeu, voir et être vu sentremêlent, brouillent les pistes.

Mais aussi, lusage de la peinture à lhuile comme médium principal de l’œuvre possède un attrait évident. Elle restitue à la fois la virtuosité technique de lartiste, ce qui en soi force ladmiration et le labeur nécessaire à la construction dun ensemble aussi imposant. Saisis que nous sommes devant la perfection de la représentation, à l’ère de la reproductibilité photographique, notre regard se pose avec plus dacuité sur chaque détail. La complexité de lentreprise participe bien sûr à l’émerveillement, mais aussi à limpression de prendre part à une expérience grandiose et inattendue, capable dentièrement transformer le réel le temps dun instant.

 

Marie-Pier Bocquet

 

Biographie de l’auteure
Auteure et historienne de l’art, Marie-Pier Bocquet détient une maîtrise en histoire de l’art obtenue à l’Université du Québec à Montréal en 2020. Elle est également directrice générale et artistique d’Arprim, centre d’essai en art imprimé. Depuis 2014, elle fait partie du comité éditorial de la revue de dessin HB. Elle a été commissaire des expositions Perspectives excentrées à Zocalo, centre d’artistes (2021), Faire monde : regard sur les microcosmes de Catherine Magnan et d’Andréanne Gagnon, au centre d’artistes Caravansérail en 2014 et co-commissaire de l’exposition HB nº 6 / HORS PAGE, présentée au Centre d’art et de diffusion Clark en 2017. Ses textes ont été publiés dans la revue esse arts + opinions, Espace art actuel et Vie des arts, ainsi que dans les opuscules de la galerie Art Mûr, Galerie Nicolas Robert, du Centre d’art et de diffusion Clark, et de CIRCA art actuel.

 

Biographie de l’artiste

Dans son travail, Éric Lamontagne s’intéresse à tout ce qui l’entoure, et tout particulièrement, à la perception, au jeu et à la science. Pour lui, l’art est l’occasion d’apprendre dans l’émerveillement. Il pratique activement l’installation, la peinture, la photographie, la marche ou toutes autres activités qu’il croit pertinentes pour ses envolées créatives.

Il a réalisé plusieurs expositions dont Du haut de mon sous-sol à la Salle Alfred-Pellan qui lui a valu le « Prix de l’exposition de l’année – Centre d’exposition » au Gala des arts visuels et le « Top 3 » des meilleures expositions d’Isa Tousignant du magazine Canadian Art. En 2004, la commissaire Mona Hakim l’a invité à participer au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul sur le thème du photographique en peinture. Ses œuvres ont notamment été présentées à Alternator Gallery (Kelowna, BC), à Design Festa Gallery (Tokyo, Japon), à Gallery DeOverslag (Eindhoven, Hollande), chez Vu photo (Québec) et au Musée régional de Rimouski. Par le passé, il a également investi les fenêtres de la défunte galerie Joyce Yahouda dans le cadre d’une exposition trompe-l’œil. Plus récemment, la commissaire indépendante Emmanuelle Choquette a publié un article portant sur le long processus ayant mené à la réalisation du projet Sous le vernis (Vie des arts n° 264). On retrouve ses œuvres dans plusieurs collections publiques et privées. L’artiste est représenté par la galerie Art Mûr.

 

 

Revue de presse

Emmanuelle Choquette, « Ce qui perdure, ce qui advient : la permanence des idées chez Éric Lamontagne », dans Vie des arts, no 264, 2021.

 

Crédit vidéo : Samuel Alie

Crédit photo : Jean-Michael Seminaro