THIS AND THAT: Le mélange tropical ou la théorie du contour presque transparent.

Vernissage le 25 mars 2017 à 15 h
  • Mathieu CARDIN
du 25 mars au 29 avril 2017

Maître de la combine, Mathieu Cardin multiplie habilement les détournements, entre étonnement, embuscade et désenchantement. Il conçoit des écosystèmes aux allures tantôt tropicales, tantôt polaires, qu’il s’amuse, moqueur, à construire et à déconstruire. Ses installations s’inscrivent dans la tradition artistique du paysage, dont il saisit pleinement, avec ruse et dérision, les préceptes et les fondements. S’il s’agit d’une invention révélée par le regard, entre dévoilement et dissimulation, Mathieu Cardin restitue, par le biais du revirement, tout le caractère factice, artificiel et construit, à l’œuvre dans la production du paysage. Témoin complice, le spectateur investigue ses machinations dont les mécanismes, de prime abord, se dérobent à la vue. Pour ce faire, les compositions qu’il échafaude s’avèrent complexes, précaires et trompeuses. Le travail de Mathieu Cardin rappelle vaguement celui du géomorphologue qui, dans son laboratoire, a pour quête la compréhension et l’appréhension de la formation des reliefs terrestres.

Le pittoresque côtoie le banal de manière non pas antagoniste, mais complémentaire. En arrière-scène est exposée, voire exhibée, toute la quincaillerie nécessaire au subterfuge, dont les éléments tiennent dans un équilibre fragile. Ici une vadrouille, là une rallonge électrique. Les matériaux résiduels, réminiscences du travail de l’artiste ou d’expositions passées, sont soigneusement amassés et groupés dans un recoin comme si, ne sait-on jamais, ils pouvaient encore servir.

Comptoirs de vente, présentoirs à vêtements et divers logos occupent l’espace au profit d’une culture de l’entreprise. Alors que certains décors orchestrés par Mathieu Cardin prennent des airs de boutique ou de bureau, leurs envers s’apparentent plutôt à un entrepôt ou à un atelier d’artiste. Sur des étagères industrielles trônent quelques objets trouvés, usuels ou anodins, recouverts de chrome et rendus précieux par leur nouveau scintillement métallique. Domestiquée, la nature se présente sous forme décorative. Ainsi, des plantes d’intérieur sont disposées çà et là et des prismes de bois arborent l’apparence de minéraux.

Du septième art, son premier amour, Mathieu Cardin emprunte puis insuffle à ses œuvres tout le caractère narratif et scénographique. Ce pour quoi on le sent, en filigrane, réalisateur et metteur en scène. De ses scénarios, lui seul tire les ficelles avec agilité et adresse. Entre impostures et révélations, il est en effet difficile d’établir si nous sommes les victimes d’un canular ou les acolytes d’une supercherie sur le point d’être dévoilée. Comme le souligne Katerina Pansera au sujet de l’artiste, Mathieu Cardin oscille de manière ambiguë et trouble entre le magouilleur et le pourvoyeur de vérité. Dans ces univers où qui ment dit vrai, le doute subsiste.

– Essai par Raphaëlle Cormier


Originaire de Algoe aux États-Unis, Mathieu CARDIN (Matthew) démontre dès son jeune âge des aptitudes exceptionnelles en sports de combat, en gymnastique et en théâtre. De ces premières disciplines, il gardera une grande flexibilité et un merveilleux uppercut.

Préalablement intéressé par le cinéma et la photographie, c’est suite à une discussion bien arrosée avec un pilote d’avion et un garde forestier qu’il se consacra à la sculpture d’installation. Il entreprend aussitôt un Master of Fine Arts en sculpture à NSCAD, après s’être fait accepter, en présentant un portfolio d’images volées en ligne. Son œuvre oscille entre le vrai et le faux, l’illusion et la réalité tout en manipulant une imagerie qui mélange la propreté de produits Johnson et Johnson avec la fragmentation des meubles IKEA©.

 

Candidate au doctorat en sémiologie, Raphaëlle CORMIER tente actuellement d’élucider les mystères de l’art post-internet. Sous la direction de Marie Fraser, ses recherches portent sur la figure de l’artiste comme archiviste à l’ère numérique. Son parcours académique hybride allie art et design. Ses intérêts touchent l’occupation urbaine, le détournement, la figure du flâneur dans les mondes virtuels, l’esthétique vaporwave et les trésors du web surfacique. Elle a travaillé en 2011 sur la Triennale du Musée d’art contemporain de Montréal. Elle a collaboré à la revue esse arts+opinions et fut, à trois reprises, commissaire pour le festival Chromatic.