White Blanc

  • Simon GODREAU
du 12 janvier au 16 février 2013

Batard was a devil. This was recognized throughout the Northland. « Hell’s Spawn » he was called by many men, but his master, Black Leclere, chose
for him the shameful name « Batard. » Now Black Leclere was also a devil, and the twain were well matched. There is a saying that when two devils come together, hell is to pay. This is to be expected, and this certainly was to be expected when Batard and Black Leclere came together. The first time they met, Batard was a part-grown puppy, lean and hungry, with bitter eyes; and they met with snap and snarl, and wicked looks, for Leclere’s upper lip had a wolfish way of lifting and showing the white, cruel teeth. And it lifted then, and his eyes glinted viciously, as he reached for Batard and dragged him out from the squirming litter. It was certain that they divined each other, for on the instant Batard had buried his puppy fangs in Leclere’s hand, and Leclere, thumb and finger, was coolly choking his young life out of him.

« Sacredam, » the Frenchman said softly, flirting the quick blood from his bitten hand and gazing down on the little puppy choking and gasping in the snow.

Leclere turned to John Hamlin, storekeeper of the Sixty Mile Post. « Dat fo’ w’at Ah lak heem. ‘Ow moch, eh, you, M’sieu’? ‘Ow moch? Ah buy heem, now; Ah buy heem queek. »

Extrait de la nouvelle Batard de Jack London, 1902.

Dog in hand, chien à l’appui
Romain Gary, Chien Blanc, (1970)

Bâtard est une mythologie de plus qui nous conte une union étrange, violente, de deux personnages aux confins du Grand Nord. Les faits, confinés dans le froid et la brutalité de ce lointain eldorado que nous avons oublié – sagement cachés derrière les pages de notre modernisme -, s’entrecroisent avec d’autres récits. Jack London a beau tenir ses personnages prisonniers d’un paysage inaccessible, ses histoires croiseront inévitablement d’autres chiens, d’autres maîtres.

Posté en prémices de l’exposition, Bâtard en devient le récit enchâssant. Il met en place les conditions des images présentes dans l’espace. Figure dominante et inévitablement placée en proue, l’animal se retrouve soudainement intriqué avec d’autres images. Débordant le cadre de l’exposition, le récit imbrique encore d’autres figures de Jack London : That Spot, White Fang. Il convoque aussi le Chien Blanc de Romain Gary, celui de Samuel Fuller, ou encore fait apparaître cet autre chien dressé contre les noirs, photographié par Bill Hudson en 1963.

Bâtard est ce spectacle sauvage qui rappelle les temps primitifs du monde. Avec sa violence démoniaque attelée à celle de son maître Black Leclere, l’animal nous ouvre à un imaginaire thanatique. Le mythologique et l’historique se resserrent autour des forces latentes de destruction. L’entrelacement du démon de l’un avec le démon de l’autre nous renverra sans scrupule vers nos propres démons. Cette image féroce et vitale est
aussi la nôtre. L’animal n’est jamais loin de l’humain, dans la suspension tragique de deux forces qui s’opposent et s’imbriquent malgré tout.

Claire Moeder


La pratique artistique de Simon Gaudreau relève d’une approche anthropologique et sociologique. Dans ses films documentaires, il construit des récits ethnographiques souvent crus, parfois critiques et mettant en scène des personnages singuliers. Dans ses réalisations en arts visuels, il utilise des stratégies d’appropriation. Par la répétition d’images, le détournement d’objets ainsi que la citation littéraire, il explore les rapports culturels de l’homme à la nature et à la société.

Simon Gaudreau a participé à plusieurs expositions collectives depuis 2008, entre autres au Québec à la Galerie Verticale, au Centre d’Exposition Circa, à la Galerie B-312, à la Maison de la Culture Notre-Dame-de-Grâce ainsi que dans divers appartements, ateliers et lieux de diffusions au Canada et en Europe. Son long métrage documentaire King of the l’Est a été sélectionné au Festival du Nouveau Cinéma en 2010. White Blanc est sa première exposition solo. Il vit et travaille à Montréal.

L’artiste tient à remercier le Centre d’exposition Circa art contemporain, Alexandre Jimenez, Ivan Lasser, Marc-Olivier Roux des Décorateurs de Montréal ainsi que tous les prisonniers de camps de travail qui lui permettent d’acheter du matériel électronique à bas prix.

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