X

Vernissage le samedi 16 mars 2019 à 15 h
  • Jeffrey Poirier
Du 16 mars au 27 avril 2019

X

Signe universel, le « X » évoque symboliquement un repère cartographique, la balise d’une position géographique, de même qu’à une pluralité d’abstractions codifiées. Dans l’exposition X de Jeffrey Poirier, les significations du symbole polysémique sont déviées et réorientées en une prolifération d’ornementations picturales ou sculpturales et, de surcroît, en une réflexion conceptuelle sur l’écologie. En outre, l’artiste détourne le « X » en des combinaisons d’expérimentations matérielles et formelles; en des surfaces aux possibilités infinies ou en une structure accrue de subtilité. Or, ce récent corpus augure la transformation esthétique et pratique d’objets prosaïques méconnus, à la vocation écologique, et rattachés à une (sur)consommation conscientisée. La modulation de ces objets utilitaires s’opère principalement par une éminente variation d’échelle. La démesure des représentations extensives altère radicalement la perception, l’interaction, ainsi que la réception de celles-ci, et ce, tout en révélant pleinement leurs potentiels formels. Par le biais du revirement, Poirier restitue le caractère construit des instruments en des œuvres illusionnistes ; en des versions schématisées ou, à l’inverse, détaillées.

Une série de trois colossales photographies bigarrées de couleurs ardentes est distribuée dans la blancheur de l’espace. À travers le triptyque, l’artiste arpente les possibilités de la dématérialisation des motifs aérés issues d’une pièce de plastique servant au recueillement de l’eau de pluie. En résultent d’opulentes fioritures symétriques surchargées de menus détails aux motifs décoratifs, à l’image d’une mosaïque vitrifiée et émaillée. Combinaison cohésive de formes géométriques et de répétitions à l’infini, le photomontage évolue en un dispositif réducteur de référents visuels, favorisant le pouvoir de suggestion de l’acte de contemplation. Affranchissement de la photographie et de ses limites conventionnelles, la manipulation des images accentue les effets de perception optique alors perturbés par la vacuité des motifs et la densité des couleurs, en plus de la quasi-absence de cadre qui ouvre les possibilités de l’agglomération des ornements.

Au centre de l’espace, une proposition tridimensionnelle, pour le moins démesurée, restitue un emballage réutilisable dédié à la commercialisation écoresponsable d’œufs. Par un jeu de mutation, il en émane, une structure de monstration à la finition usinée, non loin du minimalisme et de ses archétypes, en opposition au lyrisme pictural des trois pièces bidimensionnelles aux murs. La forme binaire du « X » est répétée en une travée de soustractions — de vides — bilatérales qui génère une structure vouée à l’esthétique minimaliste du multiple. Dès lors, les percées géométriques, strictement ornementales et architecturales, dégagent le dispositif de quelconque usage.

Les transfigurations de Jeffrey Poirier infèrent aux instruments un caractère non-fonctionnel et instaurent une distanciation quant à leurs considérations écologiques et scientifiques. Dévoilés autrement, ces instruments confondent les notions de durabilité et d’éphémérité, intrinsèquement liées à la (sur)production et la (sur)utilisation de notre culture matérielle, preuve de commodités — nécessités — artificielles. En interrogeant la logique insensée de la confection excessive de bio-objets afin de contrer la surenchère actuelle du matérialisme, Poirer s’engage dans un processus analytique et livre une réflexion différente sur notre société consumériste par la symbolique du « X » qui se dissipe entre formes et fonctions par des associations conceptuelles.

– Texte par Jean-Michel Quirion


Biographie de l’artiste :

Né en France en 1986, Jeffrey Poirier vit et travaille à Québec. Sa pratique s’articule principalement autour de l’installation in situ. Détenteur d’une maîtrise en arts visuels de l’Université Laval, son travail fut entre autres présenté lors d’expositions solos à la Galerie RDV (Nantes, France), au Centre culturel Franco-Manitobain (Winnipeg), à Diagonale (Montréal), à l’Œil de Poisson (Québec) ainsi qu’au Youkobo Art Space (Tokyo, Japon). Boursier du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada, il est impliqué dans le milieu culturel de Québec, notamment comme administrateur du centre d’artistes l’Œil de Poisson depuis bientôt six ans.

Biographie de l’auteur :

Jean-Michel Quirion est candidat à la maitrise en muséologie à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Son projet de
recherche porte sur l’élaboration d’une typologie de procédés de diffusion d’œuvres performatives muséalisées. Il travaille actuellement au Centre d’artistes AXENÉO7 situé à Gatineau. À Montréal, Quirion s’investit également au sein du groupe de recherche et réflexion CIÉCO : Collections et impératif évènementiel / The Convulsive collections. Commissaire indépendant, son plus récent projet, Tout contexte est art, a été présenté à la Galerie UQO en 2018. En tant qu’auteur,
il contribue régulièrement à ESPACE art actuel, Inter art actuel, ainsi qu’à Ciel variable.