Clairière
VERNISSAGE: Jeudi 8 mai, 17h30
À PROPOS DE L’EXPOSITION
Au seuil de la pensée, ce sont les balbutiements de l’idéation qui entrent en effervescence.
Au seuil du corps, ce sont les stimuli qui activent l’acte de perception.
Au seuil de l’installation, c’est un lieu intrigant et exaltant qui se présente à soi.
Au seuil de…, rien n’est certain, tout est possible.
Au cœur de l’exposition Clairière, du duo Sarah Wendt et Pascal Dufaux, se trouve une intention exploratoire visant à observer comment le potentiel sensoriel du corps génère des effets de sens. Il s’agit ainsi de visiter son propre espace liminal afin de se (re)connecter à ses perceptions sensibles. L’installation présente un univers de formes molles, de couleurs vives et de textures enveloppantes. Elle donne à voir de larges bandes de textile entremêlées les unes aux autres qui se déploient du sol au plafond, tissant et tramant les pourtours d’une chambre sensorielle. Ci et là, certaines sculptures somatiques aux formes étranges semblent vouloir passer à travers les mailles, infiltrant l’espace jusqu’à joncher le sol. Immergées dans l’espace, certaines personnes pourraient éprouver un sentiment ambigu, à la frontière du familier et de l’étrange. C’est que l’installation ne porte pas sur le sens, mais bien sur les sens.
En passant par une proposition sculpturale évoquant une sorte d’inquiétante étrangeté, Sarah Wendt et Pascal Dufaux arrivent de manière subtile, ingénieuse et déroutante, à déjouer les trajets sensoriels habituels. L’installation suscite des dissonances perceptivo-cognitives particulièrement efficaces. Pourquoi? Parce que notre cerveau appréhende les œuvres et les traite selon les modalités perceptives qu’elles déclenchent (je perçois) et les processus cognitifs qu’elles activent (je reconnais). Il évalue et apprécie systématiquement ce qu’il voit dans un désir de reconnaissance. Devant un objet qu’il ne parvient pas à identifier, il ne peut rester inactif. Cette impossibilité engendre une dissonance perceptivo-cognitive. La situation peut alors devenir inconfortable, du moins tant qu’on s’efforce de lui attribuer un sens narratif.
Et le bien-être dans tout cela? Il occupe également une place centrale dans la volonté des artistes. Ce n’est pas un hasard s’ils se sont inspirés du Snoezelen, un concept de chambre sensorielle développé conçu en 1974 par deux thérapeutes hollandais pour traiter les personnes présentant des troubles sensoriels ou vivant avec un trouble du spectre de l’autisme. Clairière puise dans cette méthode thérapeutique d’immersion et de stimulation multisensorielle pour proposer une expérience installative qui invite à ressentir nos sens, tout en expérimentant une forme de traduction sensorielle. Il s’agit de découvrir comment habiter l’interstice entre les espaces sensoriels. Cette exploration ouvre la voie à des formes de perception plus subtiles, moins immédiates, qui reposent sur l’incertitude, l’hétérogénéité et le changement constant, tout en activant le ressenti, la mémoire et l’affect.
Ultimement, c’est aussi une pulsion de réveil et un acte de résistance que Sarah Wendt et Pascal Dufaux proposent en réaction à ce qui se passe autour de nous, à un collectif désœuvré, perturbé et en colère, ballotté par tant de changements déconcertants et, de plus en plus, confronté à l’anxiété politique, sociale, économique et environnementale. Clairière est un appel à la lenteur, à la relaxation de l’esprit et à la détente du corps …pour un retour à soi, un retour en soi.
– Texte d’Émilie Granjon
Biographie des artistes
Depuis 2017, Sarah Wendt et Pascal Dufaux explorent une rencontre entre danse et arts visuels, inspirée par les échanges énergétiques qui prennent place entre le corps, l’espace et la matière. Leur méthodologie collaborative imprègne chacun de leurs projets d’étranges formes de temporalité et de corporalité. Leur travail a été présent dans des musées, des centres d’artistes et des festivals de performance au Canada, en Europe et au Royaume-Uni. Leur plus récente exposition solo ‘Miel du Temps’ à été présentée au Musée d’art de Joliette. Ils vivent et travaillent à Tiohtiá:ke/Mooniyang/Montréal.
Biographie de l’autrice
Détentrice d’un DESS en gestion d’organismes culturels obtenu en 2015 à HEC Montréal, Émilie Granjon dirige le centre d’artistes CIRCA art actuel depuis mai 2016. Elle est également essayiste et critique d’art ainsi que commissaire indépendante. Titulaire d’un doctorat en sémiologie en 2008 à l’UQAM, elle analyse les enjeux culturels de l’art actuel par l’étude des figures insolites. Dans sa thèse, elle a orienté ses recherches sur la sémiogenèse de la symbolique alchimique dans l’Atalanta fugiens (1617) et a publié Comprendre la symbolique alchimique (PUL : Québec, 2012). En art actuel, elle a co-écrit avec Fabienne Claire Caland Cinq fabricants d’univers dans l’art actuel (Nota Bene : Montréal, 2017) et, plus récemment, également avec Véronique La Perrière M. Le miroir, la métaphore et le temps inversé (Sagamie : Alma, 2020)