Elle même, sculpture abstraite

  • Valérie BLASS
du 5 mars au 9 avril 2005

Le processus de modelage est un méandre inintelligible dans lʼavènement dʼune forme. Jʼaimerais rendre visible cette expérience qui pour moi reste toujours confondante. Pour cette exposition, jʼai fait plusieurs modelages à partir de quelques photos de mes deux enfants, Damien et Sarla. Au niveau de leur configuration objectivement quantifiable, un modelage de Sarla peut ressembler davantage à un modelage de Damien quʼà un autre modelage de Sarla. Toutefois, ils ressemblent tous à leur modèle respectif. Lʼactivité de modeler ressemble étrangement à lʼactivité de rêver. Dans un rêve, nous travaillons à fabriquer notre propre surprise.

Comme travail alimentaire, je réalise des sculptures sur commande. Je taille directement dans le styro-mousse pour faire un animal ou un personnage. Le but nʼest pas tant de se rapprocher le plus possible de la réalité mais plutôt, de proposer une manière, un style qui convient. À mesure que la forme se peaufine, jʼessaie plusieurs esthétiques et plusieurs expressions ( il mʼest même possible de changer significativement la posture de mon personnage).

Mais à chaque essai, le volume du bloc rapetisse irrémédiablement. Entre les formes dʼavant, enregistrées dans ma mémoire, et celles dʼaprès, il se produit un mouvement, une sorte dʼanimation. Classiquement, la sculpture a comme but de stabiliser un seul moment; splendide et vertigineux. En sculpture, je mʼintéresse plutôt à ce bougé.

Plus jeune, je concevais mon corps comme un assemblage de parties qui formait un tout mécaniquement assemblé. Jʼavais le fantasme de couper localement une certaine épaisseur. Maintenant, je réussis souvent à concevoir mon corps comme un tout mobile, qui respire, sʼétire et fait des grimaces. Les parties sont malléables et peuvent bouger ensemble à lʼintérieur dʼun tout. On pourrait imaginer que chaque humain, chaque animal, serait réduit à une forme-pulsion primitive. Je pense ici aux premiers dessins dʼenfants : une forme fermée avec deux points pour les yeux. Ici lʼajout de détails tels les doigts, les oreilles et le nez devient optionnel ou même ornemental.

Valérie Blass


Valérie Blass expose régulièrement son travail au Québec. Parmi ses récentes expositions: «Presque ça» à la Galerie B-312 en janvier 2005, «Le regard des animaux» à DARE-DARE en 2001, «Phoque le chien» à LʼOeil de Poisson en 1999 et «Apex» à la galerie Clark en 1998. Elle a été invitée par plusieurs commissaires à participer à des expositions de groupe.

Ses oeuvres pourront être vues dans le cadre de lʼexposition «Jumelage, lʼespace et son Double» une exposition itinérante organisée en collaboration avec la revue Espace dans le cadre du programme Exposer dans lʼîle du Conseil des arts de Montréal qui sera présentée dans plusieurs Maisons de la cultures et centres dʼexposition de lʼîle de Montréal.

Depuis plus de deux ans, Valérie Blass fabrique des sculptures «doubles» apparentées lʼune à lʼautre qui tablent sur leurs différences. Elles travaillent sur la distance entre deux formes qui suggère un modèle absent. Lʼobjet sculptural dédoublé parle de ce qui est arbitraire et de ce qui ne lʼest pas, de la relation binaire à la diachronie (évolution dans le temps), de la synchronie (moment déterminé, indépendant de son évolution) et de la syntagmatique (caractère effectif des choses).

Article de Jean-Ernest Joos dans ESSE, #55, p. 5-55

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