Été, Paysages-Vêtements

Vernissage le 29 août
  • Carole BAILLARGEON
du 29 août au 3 octobre 2015

Carole Baillargeon – Été. Légende d’un temps de l’ailleurs

Il y a une quinzaine d’années, Carole Baillargeon amorçait un travail de longue durée composé de quatre installations : Automne, Hiver, Printemps et Été. Habituellement exposées séparément, parfois partiellement en différents endroits, les œuvres ont ceci de particulier, qu’accrochées au mur ou suspendues dans l’espace, elles ont été constamment remaniées et transformées, les retouches n’étant pas qu’une simple accommodation à leur espace d’accueil. En constante mutation, elles se déploient telles des boucles récursives qui ne se plient jamais tout à fait sur leur point de départ et se déplient sous de nouvelles apparences dans différents lieux d’ancrage provisoires, pour repartir vers d’autres parages.

C’est d’ailleurs entre-temps que tout se passe et se surpasse. On peut dire que l’artiste travaille en « petits points », l’expression étant une métaphore non seulement du pointillé des lieux et des temps d’exposition, mais de ses propres gestes, puisqu’elle procède par manutention délicate et minutieuse de toutes sortes de matières hétéroclites. Au risque de se blesser les mains et les doigts, elle pique, ourle, faufile et coud des retailles de tissus neufs et usagés, ou noue des bouchons, des bouts de ficelles et des boutons. Et ce sont autant de rapiéçages différemment coordonnés qui reformulent les couleurs de chacune des saisons sous la forme de paysages-vêtements. Certains peuvent d’ailleurs être littéralement portés : robes, chapeaux, bijoux, tandis que d’autres peuvent être habités telles des installations-parures éthérées et scintillantes, toujours festives, qui enrobent les visiteurs d’un léger souffle de minuscules particules. Il n’y a pas de doute : en plus d’être éminemment tactiles, ces œuvres s’avèrent fortement thermiques.

Déjà, en raison de contingences variables d’exposition, l’ordre cyclique de la nature auquel renvoient les œuvres s’en trouve disloqué, chaque fragment pouvant advenir à un moment où on ne l’attendait pas : Hiver en été, Printemps à l’automne; même qu’elles se côtoient parfois en duo dans un même lieu. Profitant de cette incongruité qui amplifie l’aspect ludique des créations, l’artiste nous raconte sur diverses intonations la légende d’un temps de l’ailleurs, d’un ailleurs où le temps décalé de sa référence est différé et ponctuellement suspendu. Bien qu’il soit à propos de qualifier les Saisons de work in progress, étant donné le thème, il s’agit de dérives syncopées et oscillatoires plutôt que d’une progression continue sur la flèche du temps.

Ici présenté en appontement sur la prochaine saison, Été regroupe quelque cinq cents spores flottantes que les visiteurs peuvent explorer en se faufilant entre les tiges métalliques ornées de boutons multicolores. En accompagnement du jardin-survêtement et comme en toute dernière heure de floraison, sur les murs de la galerie, des papiers dessinés et agrémentés de boutons agencés en motifs de fleurs stylisées captent quelques vestiges des beaux jours qui s’achèvent mais qui reviendront sûrement. Autrement et ailleurs…

Nycole Paquin


Carole BAILLARGEON vit et travaille à Deschambault et à Québec. Sa pratique artistique est hybride. Elle amalgame les arts visuels, la scénographie et parfois même des techniques artisanales. Ce travail de création s’échelonne sur près de trente ans et a été diffusé au Québec, en Amérique et en Europe. Elle a reçu plusieurs distinctions et bourses dont le prix de Rayonnement international pour la région de Québec, décerné par le Conseil de la culture de Québec et Chaudière-Appalaches en 2000, et le Premier prix de la Biennale Découverte en 1993 pour l’œuvre La main qui prend. Son travail a également reçu l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada. En 2015, s’amorce la circulation de l’exposition Paysages-Vêtements, réalisée sur une période de quinze ans. Débutant à la Maison de la culture Frontenac à Montréal, puis au CIRCA art actuel, l’exposition s’arrête au Centre Raymond-Lasnier à Trois-Rivières, pour terminer au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul qui, de février à avril 2016, consacrera tout le rez-de-chaussée à la présentation de la version intégrale. Carole Baillargeon a complété une scolarité de doctorat en études et pratique des arts à l’Université du Québec à Montréal, une maîtrise en arts visuels, spécialité arts textiles et un baccalauréat en scénographie à l’Université Concordia.

L’artiste souhaite remercier Sabine Voisard, Nycole Paquin, Denis Baribault, le Conseil des arts du Canada, le Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (édition 2012), CIRCA art actuel, les nombreux donateurs et collaborateurs qui ont contribué à la réalisation du projet Été, Paysages-Vêtements.  

L’artiste et le CIRCA art actuel souhaitent remercier les membres actifs Jules Gaulin et Janet Logan pour la révision des textes, ainsi que Jennifer Macklem pour la traduction.

Historienne de l’art, Nycole Paquin détient un Ph. D en sémiologie des arts visuels. Jusqu’à l’automne 2012, elle était professeure au département d’histoire de l’art de l’UQAM où elle est maintenant professeure associée. Elle a publié de nombreux articles, chapitres et livres sur les arts d’un point de vue des sciences cognitives, dont Le corps juge. Sciences de la cognition et esthétique des arts visuels (XYZ, PUV, 1997), Réseau. Les ancrages du corps propre (XYZ, 2000) et Faire comme si… Mouvance cognitive et jugement signesthétique (XYZ, 2003). Plus récemment, elle s’est penchée sur le thème des utopies en arts actuels dans Espaces utopiques : Projections et prospections. Sculpture et installation (CDD3D, 2013) en collaboration avec Serge Fisette et François Chalifour. En 2014, elle a rédigé avec Serge Fisette le Dictionnaire historique de la sculpture québécoise au XXe siècle/Historical Dictionary of Québec Sculpture in the 20th Century publié en ligne sur le site de la revue Espace. Elle poursuit ses recherches sur les utopies littéraires et visuelles, cette fois sur un corpus élargi à travers l’histoire et prépare une publication sur le sujet.