La génération spontanée
- Yves BLAIS
C’est dans l’immanence aristotélicienne que cette installation s’élabore. Virgile a su rendre l’enseignement d’Aristote dans cette recette toute simple, qui n’est pas sans rappeler la théorie de l’abiogenèse mieux connue sous le nom de «génération spontanée»:
«Il faut se procurer un veau de deux ans, puis le tuer et lui meurtrir le corps. On laisse alors pourrir le cadavre sous un abri ouvert aux quatre vents, et de la putréfaction naissent des êtres aux formes étranges, d’abord privés de pattes. Bientôt ils sont pourvus en ailes. Ils grouillent et prennent peu à peu possession de l’air léger.»
Virgile
Ce projet, qui poursuit une réflexion amorcée dans mes réalisations antérieures au sein du duo artistique Noces de Cana, s’est imposé après une expérimentation réalisée sur le cycle de la mouche. L’expérience, qui a duré trois semaines, a consisté à faire pondre des mouches sur une tête de veau écorchée. La tête de veau a alors été déposée dans un baril de plastique scellé et ventilé dans lequel j’avais installé deux caméras vidéo miniatures, l’une qui filmait en couleur, l’autre en noir et blanc. J’ai ainsi pu observer, en circuit fermé, la transformation des oeufs en larves et chaque jour suivre l’évolution du processus de la décomposition de la chair de veau.
Cette expérimentation s’est révélée beaucoup plus intéressante que je ne l’avais imaginée. D’un point de vue esthétique, les images présentent des variations formidables, en raison de leur force et du mouvement qui les caractérisent, mais aussi à cause de la vision trouble qu’a entraîné par moments le dysfonctionnement des caméras. Les vapeurs produites par la putréfaction ayant à quelques reprises voilé l’objectif de la caméra, les images qui en ont résulté sont investies d’un certain mystère, d’une aura de beauté incertaine. En raison de sa force saisissante, le document vidéo qui a résulté de cette expérimentation a été le déclencheur du projet de l’installation que je propose aujourd’hui.
Yves Blais
Cette installation fait suite à l’exposition Par l’Appeau du Brachycère réalisée en 1999 au Centre d’exposition Circa de Montréal. Le cycle de la vie et de la mort y est à nouveau représenté.
L’intention profonde de l’oeuvre est de tenter une exploration des concepts de matière (éphémère) et de forme (permanence), de chair et d’os.
L’installation joue sur la rencontre, à la fois spatiale et symbolique, d’éléments narratifs et architecturaux simples qui interagissent les uns avec les autres sur le mode de la dualité. L’ensemble constitue une sorte de scénographie de la mort, une démonstration presque naïve alliant science-fiction et théâtralité.
Chaque partie de l’installation semble dériver d’expérimentations primaires sur le phénomène du son, de la conception du temps, à partir d’une réflexion du cycle de la mouche. Il s’agit d’une sorte de mise en contexte qui vise à scénographier le concept de la mort.
Anne Bérubé
Collaboration spéciale pour les tours sonores: Martin Tétreault
Né à Montréal, le 27 mai 1961.
Baccalauréat en Arts Visuels de l’UQÀM, 1990
EXPOSITIONS SOLO
(Tandem NOCES DE CANA ; en collaboration avec Violette Michaud)
Mai 1999
Par l’Appeau du Brachycère… ou comment imiter le cri d’une mouche,
Centre d’exposition Circa, Montréal
Novembre 1993
La Loge, Centre d’exposition Circa, Montréal
Septembre 1992
L’Heure du thé, Centre d’exposition du Vieux-Palais, St-Jérôme
Juin 1992
L’Heure du thé, Galerie Dare-Dare, Montréal
Avril 1992
Ciné-Parc, Maison de la Culture Frontenac, Montréa
Novembre 1990
Baby foot, Entrée libre à l’art contemporain (ELAAC), Montréal
EXPOSITIONS COLLECTIVES
Décembre 1997
Alea jacta est, Galerie Occurence, Montréal. Exposition-événement pour
le 10e anniversaire de la revue Espace Sculpture
Septembre 1997
Espace décuplé, Galerie Samuel Lallouz, Montréal
Septembre 1995
Le Plan Vert, Symposium de sculpture, Parc régional de Rivière-des-Prairies
Novembre 1994
Salon du livre de Montréal, Exposition de livres-objets de la Bibliothèque Nationale
Juin 1992
Dans dix ans, l’an 2000, Maison de la Culture Frontenac, Montréal
Lauréat du prix de la critique
PRIX ET DISTINCTIONS
1992
Prix de la critique, volet sculpture
1990
Événement spécial. Entrée libre à l’art contemporain (Baby foot)
Article d’Edith Roy dans ETC, #70, 2005