La température de l’information

  • Sébastien Cliche
Du 14 mars au 27 avril 2024 - Vernissage le jeudi 14 mars de 17 h à 19 h 30. Rencontre avec l'artiste le samedi 6 avril à 14 h.

Galeries I et II

La température de l’information met en scène un dispositif fictif, génératif de traitement de données obsolètes, structuré par un mobilier de classement éphémère. Des livres, des photographies et des moulages de plâtre reposent dans des solutions d’eau saline, comme autant de spéculations archétypales encapsulées.

Tout au long de l’exposition, l’œuvre évolue à la façon d’une fiction poétique. Il en résulte une certaine esthétique de l’accumulation confrontée à l’oubli, dont les processus de cristallisation, de précipitation et de sédimentation sont porteurs de métamorphoses. Tel un alchimiste, l’artiste met en tension un ensemble de propriétés réactives qui induisent le devenir sculptural des archives. Il en va de même de nos mémoires vives, tout comme de celles endormies.

Le potentiel de transformation de l’œuvre soumet le visiteur à un avant et à un après sa présence au cœur du dispositif, à ce qui est sur le point d’advenir; une tension entre ce qui nous apparaît et ce qui nous échappe. Situant d’ores et déjà les archives dans la catégorie de la cristallisation, l’artiste vient en raviver le potentiel. Il y a (re)façonnage par l’exaltation de notre mémoire. Ultimement, c’est potentiellement en nous que se trouve la température de l’information.

Dans un contexte de dualité entre une économie de l’entreposage de la donnée et son potentiel d’usage ou de consultation future, celle-ci est catégorisée par l’opposition hot data< et cold data. L’œuvre prend comme point de départ la masse croissante d’informations non-actives que l’on garde en mémoire, physiquement ou virtuellement. Ce regard plus large sur les enjeux liés à la sauvegarde de données est exploré au moment même où les ponts avec nos systèmes d’enregistrements biologiques s’arriment, tant bien que mal, aux développements technologiques.

Avec cette nouvelle création, Sébastien Cliche agit sur la notion de souvenirs et de data au-delà du paradigme infonuagique ou de la structure dédiée, vers leur devenir perpétuel. Plus qu’un simple prolongement de ses œuvres précédentes, la recherche en cours s’affranchit d’une thématique spécifique au profit d’une approche mnémonique des matériaux. Dans le contexte du lieu d’accueil, l’intervalle entre la matérialité des supports, la réalité immatérielle des transformations, ainsi que les processus et les matériaux qu’emprunte l’artiste pour donner forme à son dispositif, tous contribuent à l’émergence de liens métaphoriques.

Pourtant, la question du contrôle est omniprésente dans la pratique de l’artiste. Nous nous représentons généralement la notion de contrôle selon un rapport binaire tel que contrôleur/contrôlé, contrôlable/incontrôlable, contrôle positif/contrôle négatif où celui-ci est généralement perçu de façon négative – trop de contrôle – ou de façon positive – besoin/désir de contrôle. Par le biais de son dispositif, l’artiste devient à la fois réalisateur et acteur, parfois simple opérateur. C’est donc dans la rencontre des systèmes d’autorégulation, avec ou sans résolution, qu’il en situe l’intersubjectivité.

Dans La poétique de l’œuvre ouverte paru en 1962, Umberto Eco évoque la composition musicale Scambi d’Henri Pousseur où un nombre indéfinissable de transformations macroscopiques évoluent vers un même climax indéfini. La température de l’information, avec ses propriétés organiques à caractère performatif et ouvert, semble prendre comme point d’origine un similaire désir de transmutation. C’est avec doigté que l’artiste s’affaire à en activer les potentialités.

Texte de Maryse Morin

Biographie de Maryse Morin

Issue des champs des arts visuels et numériques, de la musique, ainsi que de l’anthropologie sensorielle, Maryse Morin pratique une écriture multiforme, portée par de subtils déplacements.

 

Biographie de Sébastien Cliche

Sébastien Cliche est un artiste multidisciplinaire établi à Montréal. Sa pratique se déploie sous la forme d’installations performatives, tout en intégrant la photographie, les œuvres textuelles, la vidéo et la création sonore. À travers des dispositifs génératifs, il explore la question du contrôle et ses ramifications sociales et psychologiques. Attentif aux contradictions sous-jacentes au sentiment de maîtrise de soi ou de son environnement, il aborde ce paradoxe en exposant la tension entre les mouvements de régulation et de laisser-aller.

Son travail est présenté lors d’expositions individuelles et collectives, notamment en 2008 au Centre d’art contemporain de Meymac en France, en 2010 à l’Œil de poisson à Québec, en 2013 à Momenta Art à New York, en 2017 au Lieu à Québec, en 2019 à AXENÉO7 à Gatineau, en 2023 à VU à Québec, ainsi que dans des festivals établis comme MUTEK à Montréal, en 2005 et en 2010. Lauréat de la bourse Claudine et Stephen Bronfman en art contemporain en 2012, il publie, en 2014, La doublure, une monographie prolongeant le projet du même nom présenté en 2012, à la Galerie de l’UQAM à Montréal.

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Remerciements

L’artiste tient à remercier le Conseil des arts et des lettres du Québec ainsi que le Conseil des arts du Canada pour leur soutien à différentes étapes de la conception et de la réalisation de ce projet.

Merci à
Maryse Morin, généreuse et attentive dans le regard et les mots.
Émile Riopel et Marc Lalonde pour l’aide précieuse.
L’équipe de Vu (Québec) qui m’ont fait confiance en présentant la première version de cette installation.
L’équipe de CIRCA art actuel pour l’accueil chaleureux.