L’espace en dialogues

Commissaire : Geneviève GOYER-OUIMETTE
  • Andréanne ABBONDANZA BERGERON
  • Fratzel DESCADRES
  • Mathieu LACROIX
  • Alexis LAVOIE
  • Marie-Ève MARTEL
  • François MATHIEU
  • Martine VIALE
  • Noémie WEINSTEIN
  • le duo Jane TINGLEY et Michal SETA
du 7 novembre au 19 décembre 2015

Janick : Salut! J’ai manqué le montage, mais je vous ai suivies sur Facebook. J’avais hâte de voir les œuvres en place. Il y en a vraiment partout : à l’extérieur, dans l’entrée, au sol, au plafond. Et tu m’as dit qu’en plus, Martine Viale performait dans ton bureau. On découvre tous les recoins du CIRCA.

Geneviève : Oui, tu as raison. En plus, il y a un effet de vide et de plein, la première portion de la galerie est dépouillée et derrière le mur c’est rempli, ça déborde presque!

Janick : Au fait, l’idée des dialogues entre les œuvres ça fonctionne?

Geneviève : Oui, mais finalement elles sont plus loquaces que prévu! Il y a des rappels formels et conceptuels qui fusent de partout. Les quatre grands thèmes de l’exposition servent à guider le regard d’une œuvre à l’autre. L’idée générale est de proposer ce que peut être l’espace, au-delà de son aspect tridimensionnel.

Jade : Hum, si je me rappelle bien les thèmes sont : l’espace fictionnel, l’espace du quotidien, l’espace-temps et enfin l’architecture et l’utopie.

Janick : Ce sont les œuvres d’Andréanne et de Fratzel qui nous accueillent avec le premier thème Espace fictionnel : le déplacement de l’expérience littéraire dans l’espace d’exposition. Avec l’escalier sans issue d’Andréanne, on est dans le conte fantastique où tout est possible. Ça me fait penser à Jack et le haricot magique ou encore à Alice au pays des merveilles.

Jade : Fratzel lui, on peut associer son travail au roman policier et aussi à la BD. On arrive sur une scène de crime réorganisée pour nous. Ici c’est nous l’inspecteur.

Geneviève : Oui. Et les ballons de l’installation de Fratzel ajoutent un côté tragi-comique qu’on rencontre également dans le tableau Station/3 d’Alexis.

Janick : Mais Alexis est dans la thématique de l’Espace du quotidien : entre poésie et dérision avec les deux performeurs Mathieu et Martine. C’est tout de même étonnant de rassembler sous un même thème peinture et performance.

Geneviève : Oui a priori, mais comme Alexis met ses modèles dans des situations performatives, il n’est pas étranger aux enjeux liés à la performance. Ses modèles se connaissent bien. Leur intimité quotidienne est également captée et mise en valeur dans son tableau.

Janick : De son côté, Mathieu s’intéresse davantage aux objets du quotidien utilisés dans nos loisirs ou au travail. Ses actions jouent sur le déplacement de l’usage des objets. Cela en change notre perception.

Jade : Intéressant. Les espaces de la quotidienneté sont pris selon des sens bien différents. Martine s’intéresse plutôt aux lieux du quotidien, comme le bureau du CIRCA. Elle travaille à partir du sol, celui qu’on ne voit plus et, par son action, le met en relief. D’ailleurs, sur ce plancher il y a un fragment d’une peinture d’Angèle Verret, une installation in situ réalisée en 2013 lorsque cet espace était une salle d’exposition.

Janick : Cet espace a changé de vocation. Le temps passe et tout se transforme.

Jade : Oui et on peut imaginer les lieux de façon complètement inventive. François, Jane et Michal le font à leur façon. Leurs œuvres sont rassemblées sous le thème de l’Espace temps : l’histoire des sciences fabulée. Il y a un peu de folie dans ces pièces.

Geneviève : Oui, le travail de François ressemble à des inventions datant de Léonard de Vinci et l’installation Re-Collectde Jane et de Michal est comme un arbre robotisé du futur.

Jade : Dans les deux cas, on voit le savoir-faire et la technologie, mais à des pôles temporels complètement opposés.

Janick : Personnellement, Re-Collect de Jane et Michal me fascine. J’aime son mode opératoire : capter les sons ambiants, les retransmettre en y jouxtant les sons des espaces où l’œuvre a été présentée antérieurement. Si on y pense bien, ce qu’on entend ce sont des espaces physiques et temporels déplacés ici et maintenant dans la petite galerie. Un genre de Back to the Futureremixé!

Jade : C’est drôle que tu évoques la musique parce que la petite galerie où est placée l’œuvre est vraiment hyper écho. Je me demande comment s’inscrira le son de cette pièce dans la mémoire sonore de l’œuvre?

Geneviève : On peut dire qu’avec la sculpture portable de François on passe du high tech au low tech. Cette pièce suscite la curiosité avec ses assemblages de matériaux naturels et sa forme de canon. Elle invite le regard à ne rien voir et propose l’introspection d’une certaine façon.

Jade: Je trouve qu’il y a beaucoup de métaphores dans le travail de François. Son nuage fait à partir d’une chambre à air en caoutchouc qui ne permet donc aucune fuite d’eau, en dit long sur la mise en forme absurde et poétique de ses œuvres.

Geneviève : Le nuage de François cohabite d’ailleurs de façon très évocatrice avec les tableaux de Noémie et de Marie-Ève. La production de ces deux peintres est rassemblée sous la dernière thématique de l’exposition l’Espace et architecture : entre lieux et utopie.

Janick : L’architecture est à la fois présente et en effacement dans les deux cas. Chez Noémie, l’aérodrome dédié aux hélicoptères semble flotter sur la surface de la toile, comme pourrait le faire un hélicoptère au-dessus du sol.

Geneviève : Du côté des tableaux de Marie-Ève, la séquence joue un rôle narratif important. La maison évoquée à la surface de la toile est doublement envahie par la végétation et par l’univers entier.

Janick : Étrange! Finalement, l’aspect aérien est présent dans toutes les œuvres : les hauteurs de l’escalier, les ballons, les lumières qui flottent, le nuage et la suggestion de l’espace aérien et de l’immensité de l’univers.

Geneviève : Alors, on revient encore aux possibles de l’espace…

Le dialogue peut se poursuivre encore longtemps…

Noémie Weinstein

Noémie Weinstein est une jeune artiste qui vit et travaille à Montréal. Son travail de peinture et de dessin explore les notions de temporalité, de solitude et d’absence à travers la représentation d’espaces architecturaux. Originaire de France, Noémie Weinstein a obtenu en 2012 son diplôme de l’école des Beaux-arts de Bourges. Elle entama ensuite sa maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’UQÀM et obtint, à son arrivé au Québec, la bourse d’excellence FARE. Elle exposa ensuite dans plusieurs centres d’artistes comme Caravansérail à Rimouski, B312 à Montréal mais aussi à ArtMûr et au Centre culturel de Verdun à Montréal.

Alexis Lavoie

Alexis Lavoie est né à Montréal en 1980. Titulaire d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (2008), il poursuit présentement une maitrise en arts visuels à l’Université Concordia. Il a remporté le premier prix du Concours de peintures canadiennes RBC 2010 et est également lauréat de plusieurs bourses des conseils des arts. Ses tableaux font partie de collections publiques et particulières au Québec, au Canada et aux État-Unis. Alexis Lavoie est représenté par la Galerie Simon Blais de Montréal. Il vit et travaille à Montréal. Sa pratique est principalement axée sur la peinture figurative à l’huile. Ses tableaux se construisent par analogies et associations d’images ponctuées de moments narratifs. Souvent énigmatique, parfois inquiétant, son travail confronte le spectateur à des sujets problématiques. Dans son travail pictural, tout est doute. Il s’agit de microcosmes dans lesquels sont dépeints des essais sur l’idée de la violence, de l’isolement, de la mort, de la quête du bonheur, de la menace, du manque, de l’artificialité, de l’amour, de l’enfance. Toutefois, plutôt que de représenter des évènements concrets, il choisis de dépeindre les atmosphères dans le cadre desquelles diverses narrations pourraient avoir cours.

 Fratzel Descardes

Fratzel Descadres est un artiste multidisciplinaire. Il vit et travail à Montréal, d’où il est aussi originaire. Il détient un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Son travail a été présenté lors des expositions collectives Projet Complot 8 (2011), Paramètre (2011) ainsi qu’Art Souterrain (2012). Sa pratique artistique se présente comme un programme de recherche s’articulant autour de trois axes et dont la finalité se veut indéterminée. Les structures sociales en sont le sujet d’étude. Le premier axe consiste en une observation objective des divers leviers de fonctionnement propres à l’industrialité.* L’artiste développe des documents d’archives principalement photographiques et vidéographiques à partir de ces observations. Le second axe se présente comme une conversation avec les mécanismes sociaux. Le dialogue s’ouvre par l’entremise de ce que l’artiste appelle des «interfaces invisibles». Prenant la forme d’interventions tridimensionnelles dans l’espace public, celles-ci cherchent à requestionner le média de communication. Le dernier axe propose des comptes rendus subjectifs. Réservé au contexte d’exposition, le compterendu ne respecte aucune limite disciplinaire. Elle encourage plutôt l’expérimentation et la juxtaposition de plusieurs médiums.

Marie-Ève Martel

Marie-Ève Martel vit et travaille dans les Basses-Laurentides. Elle obtient son BFA (spécialisation en Peinture et Dessin) à l’Université Concordia en 2006 et vient tout juste de compléter sa Maîtrise en Arts Visuels et Médiatiques à l’UQAM (2012-2015). Depuis 2006, Martel a exposé à plusieurs reprises à travers le Québec et ailleurs au Canada lors d’expositions solos et de groupes, et a participé entre autres à une résidence d’artistes au Yukon en 2009 (au Klondike Institute of Art and Culture), ainsi qu’au Vermont en 2011 (au Vermont Studio Centre). Martel a reçu plusieurs prix et bourses, dont la Bourse Elizabeth Greenshields à trois reprises (2008, 2009, 2011) et une Bourse de Type B de Recherche et Création du CALQ (2010).

 L’architecture – domestique, institutionnelle, urbaine, rurale, etc – se trouve au cœur de ses réflexions sur le paysage et l’espace vécu. L’artiste s’intéresse à notre façon d’habiter l’espace, mais surtout à ce que ces lieux architecturés représentent, à la façon dont ils sont perçus et aux valeurs qu’ils véhiculent. Sa pratique passe principalement par le dessin, la peinture, la sculpture et plus récemment l’installation.

François Mathieu

Mes objets tentent d’habiter le grand monde des choses, lequel héberge, en grande majorité, des présences réputées utiles. Parfois belles, parfois moins. Souvent indispensables, maintes fois inutiles. Ce rapport au besoin m’est très inspirant parce qu’il met l’art en relation au monde, quelque part au milieu de ce qui nous est nécessaire. C’est pourquoi l’on détecte parfois dans mes œuvres quelque chose qui pourrait ressembler à une fonction, mais utopique. L’on y décèle un mouvement, mais virtuel. Bien plus que par la représentation, je préfère donc aborder l’objet par le biais de sa participation au monde. Pour un artiste, le simple fait de parler de l’utilité des choses est un choix qui ne coule pas de source. Ce peut être de porter l’inutile comme une vertu, dans cette société carburant au rendement.

À bon droit, c’est sur le plan de la valeur artistique que se jouent, dans le monde de l’art, les questions de légitimité. Or le fait d’introduire en galerie le rapport à la fonction n’est pas non plus

dénué d’intérêt. D’abord parce qu’il devient possible de la concevoir, elle aussi, comme un matériau. Ce faisant, on peut alors mieux en faire le tour, et puis l’ouvrir comme un jouet.

J’aime bien les mécaniques de toutes sortes, et les plus inutiles d’entre elles me sont les plus touchantes. C’est pourquoi, au cours des ans, j’ai construit tantôt des machines météorologiques qui restent à l’intérieur, d’autres à prier ou qui pardonnent non sans rancune, des mires à ne rien voir, des engins volants qui pendouillent lourdement, maintenus par des contrepoids. Pour moi, le fait d’évoquer un besoin, même (et surtout) futile, équivaut à ouvrir un espace pour un nouvel objet. En sortira une machine, quelque chose qui s’avance dans la brèche.

Détenteur d’un baccalauréat spécialisé en philosophie, d’un autre en arts plastiques et d’une maîtrise en études québécoises, j’ai œuvré comme technicien au service des artistes dans plusieurs ateliers et maisons d’enseignement de Québec. Je suis également chargé de cours à l’Université Laval. Ayant à mon actif plusieurs réalisations d’art public, j’ai aussi présenté près d’une trentaine d’expositions en solo et plusieurs collectives au Canada, au Mexique et en Belgique. Je vis et travaille dans une zone rurale à Saint-Sylvestre de Lotbinière, au sud de Québec.

Mathieu Lacroix

Mathieu Lacroix vit et travaille à Montréal. Il détient un baccalauréat en arts visuels de l’Université du Québec à Montréal, où il a pris une part active dans la diffusion artistique des travaux des étudiants. Il a exposé au Musée d’art contemporain des Laurentides (2013), à la galerie Tzara (2012) et au Vieux Presbytère de St-Bruno-de-Montarville (2009). Lacroix a participé à plusieurs expositions de groupe dans des centres d’artistes et événements culturels à St-Casimir(2012), Montréal et Québec, incluant : l’organisme Folie/Culture, (Québec, 2008), Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire (2008), centre Dare-Dare (Montréal, 2007), Pique-nique (Montréal, 2003-2012), Galerie Verticale (Laval, 2006). Mathieu Lacroix est aussi membre actif des collectifs suivants : Pique-nique, Men with home hardware appliances et Les Dessinator.

Andréanne Abbondanza-Bergeron 

Andréanne Abbondanza-Bergeron détient un BFA en Studio Arts et un M.A. en Éducation de l’art. Elle poursuit présentement des études au MFA à l’université Concordia. Son travail à été présenté en Allemagne (Gutleut 15, Frankfort, 2008 / Université du Bauhaus, Weimar, 2009), UK (Market Gallery, Glasgow, 2009 / Tactile Bosch Gallery, Cardiff, 2010), Belgique (Espace 72, Dison, 2008), Mexique (Centro Morenlense de las Artes, Cuernavaca, 2014), ainsi qu’aux États-Unis (The Garage Gallery, San Francisco, 2008) et au Canada dans des expositions solos (Skol, Montréal, 2010 / Centre d’exposition de Val-d’Or, 2012 / Galerie Luz, Montréal, 2007) et expositions de groupe (Chantier Libre aux Ateliers Jean Brillant, Montréal, 2012 & 2014 / Centre des arts et de la culture de Brompton, Sherbrooke, 2011 / Articule, Montréal, 2010 / Canadian Sculpture Center, Toronto, 2007).

Elle enseigne présentement au College Vanier (Montréal, Qc) dans le département de Communication, Media & Studio Arts.

Geneviève Goyer-Ouimette

Directrice du CIRCA art actuel depuis 2013, Geneviève Goyer-Ouimette a obtenu un baccalauréat en histoire de l’art et une maîtrise en muséologie à l’Université du Québec à Montréal. Au Musée national des beaux-arts du Québec, elle a travaillé au département de la conservation et de la recherche, à titre de responsable de la collection Prêt d’œuvres d’art (CPOA). À titre de commissaire, elle a également réalisé de nombreuses expositions dont les expositions collectives Projet HoMa (Maison de la culture Maisonneuve et Fondation Guido Molinari) et Ornementation identitaire (Consulat du Mexique en partenariat avec le CALQ et le FONCA) et les expositions bilans de Catherine Bolduc Mes châteaux d’air (EXPRESSION Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe et Salle Alfred-Pellan de la Maison des arts de Laval) et d’Éric Ladouceur Avoir/Savoir/Pouvoir (Musée d’art contemporain des Laurentides et Galerie Graff). Elle a également rédigé des textes tant pour des artistes que pour des revues d’art notamment sur le travail de Catherine Bolduc, Éveline Boulva, Marc-Antoine K. Phaneuf, Éric Ladouceur et Marcel Marois.