Maquettes

  • Kim ADAMS
du 25 mars au 22 avril 2006

L’utile et l’agréable

Les maquettes de Kim Adams s’apparentent aux nouveaux véhicules hybrides (tout-terrain urbain, récréo-utilitaire, camion transportant de la publicité, motorisé avec auto et bicyclette attachées à l’arrière, etc) dans ce désir de plus en plus courant de vouloir accommoder l’utile à l’agréable. Elles transforment cependant cette tendance vers une amusante absurdité lorsqu’elles reprennent au pied de la lettre la fonction d’usage. Ainsi, s’agit-il de vendre du jus d’orange, le restaurant aura donc la forme d’une orange.
Un camion à fromage (Cheese Truck) et une maison à dormir (Sleep House) auront donc la forme d’un fromage ou d’un petit nid douillet.

Cette façon de concevoir la forme selon la fonction entraîne une certaine manifestation ostentatoire des modes de vie des concepteurs et des usagers du véhicule. Un peu comme ces bricoleurs patenteux qui installent une baignoire sur la toiture de l’auto ou qui transforment leur coffre arrière pour en faire un barbecue. Il est facile de comprendre les loisirs de chacun avec des excentricités pareilles. Ces véhicules sont des représentations fantaisistes de leur fonction à la manière des chars allégoriques dont l’utilité est d’être avant tout des objets de démonstration. Les maquettes de Kim Adams demeurent à l’étape de fiction, même si elles présentent les aspects probables d’une fonctionnalité. Il faut y voir là une exagération loufoque d’une société des loisirs, toujours prête à satisfaire ses désirs avec des objets d’amusement de plus en plus sophistiqués.

Kim Adams produit habituellement des objets répartis en trois formes de grandeurs : la maquette, le modèle et la sculpture grandeur monumentale. Entre ces trois formats, il n’existe pas réellement de variation d’échelle, il n’y a qu’une différence de grandeur. C’est que son utilisation des modèles réduits de figurines et autres accessoires qui les accompagnent se retrouvent autant dans les maquettes que dans les grandes sculptures. En fait, ce matériel de base qui se retrouve tel quel dans les commerces, constitue déjà une reproduction miniaturisée de presque toutes les sphères de l’activité humaine. Cependant, cette reproduction se fait toujours d’une manière idéalisée, les figurines montrent des hommes heureux d’être au travail, des joueuses de golf, des touristes en vacances. Jamais il n’y aura de personnages mourant de faim ou des scènes d’agression. C’est pour cette raison que les maquettes de Kim Adams affichent à première vue un monde plus beau que nature. Par contre, son travail de manipulation ou de recomposition de ces reproductions réduites produit plutôt l’effet contraire. Particulièrement dans Bruegel-Bosh Bus, où les personnages semblent vivre dans une béate innocence, ne s’apercevant même pas qu’ils se dirigent tout droit vers un précipice ou que leur consommation excessive les amène à la catastrophe.

Chez Kim Adams, le temps de la récréation paraît s’éterniser à l’infini, mais l’inquiétude est toujours présente, comme pour signaler que toute bonne chose a une fin.

Gaston St-Pierre


Kim Adams vit et travaille à Grand Valley (Ontario). Il présente régulièrement son travail tant dans des galeries canadiennes qu’à l’étranger. Il a participé à de nombreuses expositions, dont ces quelques dernières: Adaptations, Apexart (New York) et Kunsthalle Friedericanum (Kassel, Allemagne) en 2004; City Utopia in Contemporary Art, Städtische Galerie im Buntentor (Allemagne) en 2003. En 2003 il participe à la Biennale de Sydney (Australie), et à de nombreuses expositions dans des musées canadiens, américains et européens. Il réalise en ce moment une oeuvre d’art public à Zwolle en Hollande. Son oeuvre figure dans la majorité des musées internationaux et canadiens. Il est représenté par la Wynick/Tuck Gallery de Toronto.

Le catalogue Kim Adams, édité en 2001 lors de la rétrospective de son oeuvre par The Power Plant Contemporary Art Gallery (Toronto), est une excellente façon de prendre connaissance de l’envergure de son oeuvre.
Il fut pendant très lontemps (de 1986 à 2004) représenté par l’inoubliable Galerie Christiane Chassay.

Article de John K. Grande dans Sculpture Magazine, avril 2007

Article de René Viau dans Le Devoir, 16 avril 2006

Site internet de l’artiste