Paysages sous effet de serre

  • Daniel CORBEIL
du 10 avril au 08 mai 2004

En subordonnant les matériaux recyclés qu’il utilise à des impératifs apparemment technologiques, Daniel Corbeil situe depuis des années son travail de création dans la zone trouble, et par conséquent éminemment ludique, du simulacre. En prévoyant le mécanisme par lequel se dévoile le caractère factice des manifestations techniques, qu’il s’agisse d’engin volant ou de vue aérienne, il soulève toute la question de la vraie et de la fausse « semblance », nous rappelant que toute science est, à un moment ou un autre, une forme de fiction — avérée ou non —, et que l’art peut s’approprier cette « science-fiction » pour en étendre le pouvoir de suggestion.

C’est exactement ce que propose l’exposition Paysages sous effet de serre, qui emprunte à la science non seulement le concept de changements climatiques, mais aussi la façon d’en comprendre la nature et les effets grâce à une modélisation de ses manifestations sur les paysages. Comme on le sait, ces dernières années, le réchauffement planétaire est devenu préoccupant, au point de donner lieu à des études et des travaux scientifiques, qui ont alimenté à leur tour divers protocoles et ententes politiques. Réservée il y a quelques années au vocabulaire spécialisé, l’expression « effet de serre » fait désormais partie de notre langage courant, conséquence de la médiatisation des phénomènes de réchauffement planétaire. Ce dernier entraîne des transformations écologiques (érosion, perturbations atmosphériques, inondations, etc.) contribuant à modifier — à plus ou moins court terme — les paysages, surtout ceux des régions nordiques, qui ressentent le plus vivement les transformations climatiques.

Poussé par un désir de mettre en scène ces transformations, Daniel Corbeil a conçu un dispositif qui reproduit l’effet de serre, sous la forme d’une étuveuse s’inspirant des maquettes scientifiques où, à une échelle réduite, on étudie les conséquences des bouleversements climatiques sur la nature. Dans cet appareil, des maquettes de paysages sont soumises à l’effet de serre selon une interprétation libre mais plausible du point de vue scientifique. Ici, simuler ne veut pas dire mentir, ainsi qu’on le croit trop souvent. Simuler, c’est faire plus vrai que vrai, mais autrement, selon un mode qui, loin d’être une simple approximation du « réel », en est une interprétation, c’est-à-dire une lecture dotée de sens et de profondeur.

Démultipliant l’effet ludique déjà présent dans la maquette scientifique, le dispositif de Daniel Corbeil en étend la portée, nous faisant réfléchir à la fois aux phénomènes climatiques décrits et à la façon dont on peut appréhender des phénomènes dont l’échelle échappe généralement à l’observateur individuel. Comme c’est le cas en science, le profane doit ici faire acte de foi, une foi dans les pouvoirs de la connaissance, bien sûr, mais surtout dans ceux qu’a l’art de transfigurer le réel, tout en nous rappelant la nature essentiellement fictive de toute représentation du monde. Au moyen de son étuveuse, théâtre allégorique d’une nature en changement, Daniel Corbeil nous rappelle le caractère jusqu’à un certain point puéril, mais fortement — et heureusement — ludique, de nos tentatives de compréhension du monde. L’art comme reflet de la science, mais aussi comme réflexion sur le savoir, voilà ce que propose, l’exposition Paysages sous effet de serre, à travers un sourire moqueur et complice.

Jean-Philippe Beaulieu


Daniel Corbeil est représenté par la galerie Sylviane Poirier art contemporain (Montréal) et la DeLeon White Gallery (Toronto).

Formation académique

1998 Maîtrise en arts plastiques, Université du Québec à Montréal, Montréal (Québec)
1988 Baccalauréat en arts plastiques, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Val-d’Or (Québec)

Expositions individuelles (Énumération sélective)

2004 Nacelle en perspectives, installations, dessins, vidéo et photographies Galerie L’OEil de Poisson (Québec) Centre Vaste et vague, Carleton (Québec) Galerie L’Écart…, Lieu d’art actuel, Rouyn-Noranda (Québec)
2003 Table d’expérimentation, Sylviane Poirier art contemporain, Montréal (Québec)
2003 Le dossier Balénoptère, installation, photographies et dessins, Centre d’exposition de Val-d’Or (Québec)
2002 Nacelle en perspectives, installations et dessins, Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe (Québec) Roulement de paysages, installation en processus, programme de résidence, 3e impérial, Centre d’essai en art visuel, Granby (Québec)
2000-2001 Le Moyen-Nord : fragment d’un survol, installations murales, Galerie Occurrence, Montréal (Québec) Galerie Le Lieu, Québec (Québec)

Expositions collectives (Énumération sélective)

2003 Caritas 2003, dessin, Galerie B-312, Montréal (Québec)
2002 Pourquoi pas un petit format (2e édition), gravures, Sylviane Poirier art contemporain, Montréal (Québec) Propositions plurielles, dessin, Cégep du Vieux-Montréal, Montréal (Québec)
2000 Capter le réel; de la machine à l’oeuvre, installation, Musée Régional de Rimouski, Rimouski (Québec)

OEuvres publiques (Énumération sélective)

2002 Réseaux tourbillonnaires, murale extérieure, C.L.S.C Le-Partage-des-eaux, Rouyn-Noranda (Québec)
1997 Vues aériennes, sites nos 18, 21, photographies, Musée du Québec (Québec)

Collections (Énumération sélective)

2002 Avion ultra-léger, sculpture et photographies, Collection du Musée régional de Rimouski (Québec).
1999 Vues aériennes, sites nos 2-28, photographies : Collection de Touro College (New York, N.-Y.) Collection de Simon Fraser University (Burnaby, C.-B.) Collection de Camosun College (Victoria, C.-B.)

L’artiste tient à remercier le Conseil des arts du Canada.

Article de Jean-Philippe Beaulieu dans Espace Sculpture,#70, 2004-2005

Article de John K. Grand dans Sculpture Magazine, décembre 2004

Site internet de l’artiste