Performance for a Reading of La Joconde (version Française)

Performance For a Reading of La Joconde 

Elle est plus vieille que les rochers au milieu desquels elle est assise; tel le vampire, elle a vécu plusieurs fois la mort et appris les secrets du tombeau… Walter Pater

Est-ce le désir secret de chaque image que d’être un virus : de se répandre comme une contagion, de se reproduire dans tous les recoins de l’imagination? Voici quelques faits intéressants à propos de « l’une des œuvres d’art les plus célèbres du monde. » La souriante Mona de Leonardo a été reproduite en utilisant 3604 tasses à café, 320 000 talons de billets du grand magasin japonais Takashimaya, 6000 morceaux de pain grillé, 10 000 morceaux de fusilli, macaroni et lasagne, 12 000 notes autocollantes, 7 500 lignes de code CSS, 100 000 carats de pierres précieuses, 800 ballons d’hélium, 800 cubes de Rubik, 2 gallons de ketchup et une commande de frites…

Et maintenant la voix d’une artiste.

Il y a une quinzaine d’années, l’artiste a trouvé un portrait de la Joconde, exécuté à la main et entièrement réalisé sur une machine à écrire. Sa peau à découvert est constituée de points; les cheveux sont pour la plupart une superposition des lettres M et S en capitales. L’œuvre ne contient qu’une seule virgule, ce qui provoqua l’applaudissement de son public de Salt Lake City lorsqu’elle l’a récitée. Précurseur de l’art ASCII, nous avons affaire à de la science-fiction haptique de voyante.

Le portrait peint de Leonardo a été traduit en lettres et en chiffres que l’artiste revisite comme un script. Elle va le lire à haute voix comme un conte pour enfants pour machines, des machines comme vous et moi. Et comme pour tous les contes pour enfants, elle ne s’attend pas à ce que vous compreniez chaque mot ou dans ce cas, chaque lettre. Puisqu’il s’agit d’une image recomposée en mots, la lecture prendra du temps, peut-être trois heures. Mais l’artiste n’a pas besoin de la présence du public tout au long de sa performance. Elle préfère laisser tomber le fantasme que nous pouvons tout savoir et tout entendre et que nous ne pourrons jamais atteindre la fin de tout.

Ce n’est pas sa première performance ni sa dernière. Je peux entendre les échos d’œuvres antérieures et même des échos de celles du futur. L’intérêt de l’artiste pour la répétition, les boucles du comportement, la construction brique par brique du langage, la performance alphabétique qui si souvent passe pour de la personnalité.

Je me me demande à nouveau : nous livrera-t-elle ce que le vieux professeur d’Oscar Wilde a appelé « les secrets du tombeau? » .

Walter Benjamin : « même les morts ne seront pas à l’abri de l’ennemi s’il est victorieux. Et cet ennemi n’a jamais cessé de l’être » .

– Mike Hoolboom

Née en 1972, Shannon Cochrane est une performeuse établie à Toronto. Son travail a été présenté dans des festivals, des théâtres et lors de divers événements partout au Canada et aux États-Unis, ainsi que dans plus de 18 pays d’Europe, d’Asie et du Royaume-Uni. Elle est directrice artistique du FADO Performance Art Centre, un centre d’artistes torontois fondé en 1993 qui présente le travail d’artistes contemporains de partout au Canada et du monde entier. Shannon est membre fondatrice du Toronto Performance Art Collective, créé en 1997, qui présente le 7a*11d International Festival of Performance Art à Toronto.

Le travail de Shannon s’initie de façon intuitive avec le public, de façon stratégique avec l’humour et de façon méthodique avec des accessoires pour présenter des situations et des images qui déconstruisent et abordent de manière critique la présentation formelle des actions artistiques, la paternité et la répétition. Elle s’intéresse également à la création d’œuvres qui, à travers leurs propres conceptions, défient une lecture linéaire, tout en demandant au public de percevoir l’œuvre autrement. Présentée comme une proposition aux spectateurs, cette stratégie reconnaît la performance comme une pratique éphémère et conceptuelle.