Sculptures kakophoniques

  • Judith SHWARZ
du 15 octobre au 12 novembre 2011

Sculptures kakophoniques. Pourquoi?

En commencant, j’avais beaucoup d’images préliminaires mais rien ne me semblait intéressant à l’exception d’une certaine petite forme. Par la suite, quand je me suis mise à multiplier et à organiser cet « ovale » il m’a semblé qu’il émettait un son, quelque chose comme un bruit de castagnettes. Je me suis alors mise à utiliser cette image qui commencait à se développer en la nommant « klakker ». Mais, il ne s’agit pas ici de quelque chose que l’on peut vraiment entendre; plutôt, ce serait la sensation de la présence d’un son.

Alors, en donnant ce titre a votre exposition…

Nommer est toujours un grand défi pour une artiste comme moi dont le travail n’a pas de contenu narratif. Si vous êtes vraiment organisé, comme par exemple Sol Lewitt, vous établissez tôt dans votre carrière un système index/numérique. Mes titres sont descriptifs mais pour cette exposition, je cherchais un titre dont émanerait l’idée d’un son imaginaire mais qui puisse également provoquer des images. Je voulais quelque chose de viscéral, qui fonctionne aussi bien en français qu’en anglais.

Pensiez-vous à la synesthésie quand vous avez créé cette exposition?

Pas vraiment. J’essaie de ne pas intellectualiser mon travail lorsque je suis en processus de création. Il est déjà très difficile pour un artiste d’accéder à sa créativité profonde (non
verbalisée) et puis je considère qu’avoir des attentes trop précises constitue souvent un obstacle à la créativité. Au début, j’avais beaucoup d’images qui me venaient d’années récentes mais rien n’en ressortait comme je l’aurais voulu. Il a vraiment fallu que je reparte de zéro, du moins est-ce ainsi que je l’ai ressenti.

Voulez-vous dire que le processus a finalement pris un virage inattendu?

Eh bien oui, et heureusement d’ailleurs. Parce qu’il est impossible de préparer une exposition quand on ne fait pas confiance à son imaginaire; quand vous avez le sentiment que vous êtes déjà allé là, que vous l’avez déjà fait. Je n’avais pas non plus les connaissances techniques voulues pour, à titre d’exemple, réaliser la courbe de Béziers sur Illustrator.

Et comment avez-vous finalement réussi a démarrer?

J’ai suivi ma propre idée! Je dis toujours à mes étudiants de persister. Mettez-y le temps qu’il faut. La plupart d’entre nous n’avons pas de talent, nous sommes simplement incroyablement entêtés. J’ai donc simplement tout essayé et je suis allée à la chasse aux idées et aux diversions tout en revenant sans cesse à cet ovale qui me semblait avoir un rythme qui pouvait, pour peu que vous y soyiez attentif, produire un son. Je me suis donc acharnée et j’ai entrepris huit à dix nouvelles oeuvres. Certains jours, je quittais en pensant « mais quelle perte de temps ». Bien évidemment ce n’était pas vrai; il s’agissait simplement du processus de création.

Vous avez travaillé dans ce sens depuis longtemps, en utilisant le mur et avec le cercle comme référence. Ne trouvez-vous pas cela restreignant?

Oui et non. La dynamique du cercle ne me semble jamais vieillir. Le centre versus la bordure du cercle, comment en arriver à un juste équilibre de ces réalités, etc… Ingérer tout le poids culturel du cercle – qui implique autant les logos corporatifs, les signes celtiques que l’iconographie chrétienne – pour ultimement créer quelque chose de rafraîchissant et de contemporain. C’est un défi intéressant pour moi. Et puis j’aime ce processus du travail avec l’industrie. La qualité de la production est si élevée et le processus si étroitement lié aux qualités du matériau et à la technique de fabrication qu’il en résulte un véritable objet culturel et qui, de toute évidence, a été fabriqué de main d’homme. Évidemment, le jeu consiste pour moi à rechercher une sensation inhérente à l’image et qui puisse nous relier à un rythme que l’on peut retrouver dans la nature, à des modèles d’interaction et à la sorte d’énergie ou de force vive qui émanent de ces mêmes modèles. Un travail immobile mais en même temps en constant mouvement.

Judith Schwarz, sculpteure et directrice du Département des arts visuels de l’Université York à Toronto a exposé régulièrement durant les 25 dernières années. Son travail a été présenté lors de multiples expositions notamment au Power Plant Toronto, à l’Ambassade canadienne à Tokio, à la Freedman Gallery en Pennsylvanie, à l’Edmonton Art Gallery, ainsi qu’à la Charles S. Scott Gallery de Vancouver et à la Leonard & Bina Art Gallery de Montréal, Elle a été artiste en résidence à Artspace en Australie et a participé au Visiting Program du Open Studio à Toronto.

Au cours de deux décennies, Judith Schwarz a réalisé des sculptures murales de grandes dimensions conceptuellement reliées à l’architecture. Ses sculptures murales présentent des formes imbriquées et de fausses perspectives issues de figures géométriques familières. Sa pratique comprend plusieurs oeuvres d’art public monumentales qui confrontent l’intégration de l’art à l’environnement. Parmi ses projets mentionnons des sculptures d’eau à Vancouver et Toronto ainsi que des oeuvres monumentales réalisées pour Options for Homes (Distillery District), Waterpark Place (Harbourfront) et le TTC (St-Clair) à Toronto.

Dévouée à la diffusion des arts, la professeure Schwarz a été maintes fois élue membre de plusieurs conseils d’administration de centres d’artistes et d’institutions publiques tels que le Sculpture Garden, la Art Gallery de l’Ontario, Mercer Union, Open studio et C Magazine. Elle fait actuellement partie du conseil d’administration de la Koffler Gallery de Toronto.

Site internet de l’artiste