Tigre blanc

Performance (Avis : cette performance contient de la nudité)
  • Hugo Nadeau
Le samedi 6 mai 2017 à 16 h

AUTORITÉ FICTIVE

ou l’imaginaire est un ouvrier qui travaille très fort quand on lui donne les bonnes conditions.

 

 

Pour un moment, ils assurent à leur public l’expérience d’une vie libérée de son carcan dans une partie
toujours recommencée sous la forme d’actions qui miment le bouleversement et non dénués de sacré, au sens où Michel Leiris en avait posé les termes en 1938, dans L’homme sans honneur. Il voyait le ressort du sacré jusque dans la vie quotidienne. Pour lui (comme pour les révolutionnaires des années 1950-1960), le sacré était moins couleur d’encens que de jeu et de poésie.

L’ordre sauvage, Laurence Bertrand Dorléac, 2004

 

Il va sans dire que l’autorité du performeur devant son public est purement fictive.
La pratique performative d’Hugo Nadeau le confirme.

Par le détournement de codes imposés par d’invisibles mainmises, Nadeau signale que l’individu peut bien faire ce qu’il veut des usages[1] qui l’incombent. L’humour caustique qui se dégage de son univers performatif sous-tend une critique éveillée de systèmes absolutistes qui imposent, plus souvent qu’autrement, des règles absconses, des lois diffuses, du service à la clientèle forcené.

Les performances d’Hugo Nadeau opèrent ainsi à construire un nouvel ordre systémique à partir d’associations libres puisant à la fois dans le symbolique, le matériel, le corporel et le sensible. Il s’agit ici d’une intention manifeste de ré-enchanter le réel et d’accueillir un monde qui accepte la liberté symbolique et l’ordre sauvage, le culte et la culture populaire, le familier et le mystique.

Formellement, Nadeau puise dans un vaste répertoire d’objets qui constitue au fil des années un vocabulaire performatif pluriel ;

 

clé – char – portefeuille – édifice-papiers – monnaie – crâne – tresse-ascendante –

 patate-diamant – café – bière – pepsi – toge – veston-cravate – podium – feu

– archives grises, jaunes, blanches, noires, et oranges –
logo – ailes et drapeaux – dunes – dada – bouddha

amérindien – américain

anarchiste dystopique à deux doigts coupés

pays de camping

personnages kaufmanesques

père et frères

mère

sang sacré

Résolument syncrétiques, les références de Nadeau édifient des sens nouveaux de par leurs interrelations. Chaque action de la trame performative s’introduit à la lecture de l’action subséquente dans un enchaînement au rythme cadencé. Selon le Centre National de ressources textuelles et lexicales, l’enchaînement se définit comme une « succession de plusieurs accords suivant les lois de l’harmonie. » Grâce à cette harmonie performative, l’assistance demeure à l’écoute de la mythocratie[2] positive proposée par le performeur.

Il va sans dire que toute personne qui assiste à une performance d’Hugo Nadeau ne doit pas l’analyser comme on déplie des réponses à des questions.

Nous ne sommes pas dépliants.

Il n’y a pas de plan.

– Marie-Claude Gendron

Références

Bertrand Dorléac, L. (2004). L’ordre sauvage : violence, dépense et sacré dans l’art des années 1950-1960. Saint-Jost-La-Pendue : Gallimard.

Centre national de ressources textuelles et lexicales. (2012). Enchaînement. Dans Consulté le 9 avril 2016 à l’adresse http://www.cnrtl.fr/lexicographie/enchaînement

Citton,Y. ( 2010). Mythocratie – Storytelling et imaginaire de gauche, ( éd.). Paris : Éditions Amsterdam.

la recherche en littérature. (2016, 27 janvier). Y. Citton, Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gauche. Consulté à l’adresse https://www.fabula.org/actualites/y-citton-mythocratie-storytelling-et-imaginaire-de-gauche_35261.php

Nicolas-Le Strat, P. (2010). Faire politique latéralement : la fonction intermédiatrice du récit. Le Commun, Juillet 2010. Consulté à l’adresse http://www.le-commun.fr/index.php?page=faire-politique-lateralement

Nicolas-Le Strat, P. (2008). Micropolitique des usages. Le Commun, Octobre 2008. Consulté à l’adresse http://www.le-commun.fr/index.php?page=micropolitiques-des-usages

[1] Nicolas-Le Strat, P. (2008). Micropolitique des usages. Le Commun, Octobre 2008. Consulté à l’adresse http://www.le-commun.fr/index.php?page=micropolitiques-des-usages

[2]  La mythocratie est un concept développé par Yves Citton, auteur de « Mythocratie – Storytelling et imaginaire de gauche » ; « S’il est nécessaire d’analyser le « doux pouvoir » (softpower) qui conduit nos conduites dans les sociétés mass-médiatiques, il importe moins de condamner ses opérations que d’apprendre à en tirer des instruments d’émancipation. Au premier rang de ces instruments, il y a le mythe lui-même : c’est la puissance (émancipatrice) du récit – la mythocratie – qu’il nous faut comprendre et utiliser. Cela implique d’abord de se doter d’une théorie du (doux) pouvoir […] Cela demande ensuite de définir une dimension très particulière des pratiques humaines, un pouvoir de scénarisation à travers lequel nos récits et nos gestes conditionnent les comportements libres d’autrui en les inscrivant dans une trame narrative. Cela conduit enfin à se doter d’un imaginaire politique reformulé, qui définisse de nouvelles tâches, de nouveaux modes d’intervention et de nouveaux styles de parole. » Présentation de l’éditeur. Source : https://www.fabula.org/actualites/y-citton-mythocratie-storytelling-et-imaginaire-de-gauche_35261.php


Libre acteur des arts visuels et numériques, de la performance et de la poésie, Hugo Nadeau a présenté ses projets dans divers endroits au Canada, États-Unis, Brésil, Pologne, Angleterre, Allemagne ainsi qu’en Chine. Il est récipiendaire de bourses et prix locaux, provinciaux et nationaux. Son parcours diversifié et sa vision conceptuelle de l’art l’ont mené à fonder une série de projets perpétuels comme la Conspiration H1N1, Projet Citoyen Modèle, l’Édifice H. Nadeau pour la poésie, la LHN (Ligue Hugo Nadeau) et le C.A.C.H.E. (Centre d’Art Caché d’Hugo pour l’Éternité) dans le but d’atteindre une certaine autonomie médiatique. Il est originaire de Saint-Zacharie en Chaudière-Appalaches et vit à Montréal.

 

Née à Québec, Marie-Claude Gendron développe une pratique interdisciplinaire en performance, interventions in socius, vidéo, collage et art numérique. En plus de s’impliquer dans l’organisation d’événements performatifs autogérés, elle a participé à plusieurs résidences, expositions et événements au Québec, au Brésil, au Mexique, en France, en Italie, en Irlande du Nord, en Suisse et en Thaïlande. Son travail a fait l’objet de présentations solos et collectives à la Galerie de l’UQAM (Montréal, CAN), au Bangkok Art & Culture Centre (Bangkok,TH), au Museo de medicinal laboral (Real del Monte, MX), à la Galerie des arts visuels (Québec, CAN) et dans le cadre du RIAP 2012 et 2014 (rencontres internationales d’art performance, Le Lieu, Québec, CAN). Elle s’intéresse aux différentes formes de poésie en action et à leur actualisation par le corps et l’écrit.