Conspiritualité, pastel Q et autres cabales

Jacinthe Loranger
    Du 7 novembre au 14 décembre 2024

    Vernissage: jeudi le 7 novembre 2024, de 17 h à 19 h 30

    Atelier de médiation jeunesse: samedi le 23 novembre (plus de détails à venir)

    Discussion avec l’artiste: samedi le 23 novembre de 14 h 30 à 15 h 30

    Consultez le communiqué de presse ici

     

    Transfigurer les mouvances sociétales d’un seul geste – ludique

    Jacinthe Loranger examine, dans ses productions récentes, les codes qui découlent des cultures complotistes. Populaires depuis des siècles mais catapultées par des événements sociétaux récents comme la pandémie et l’avènement massif des discours démagogiques dans l’arène politique, les théories conspirationnistes évoluent en parallèle des imaginaires spécifiques qu’elles font naître. Loranger, fascinée par ces chemins de la pensée, travaille depuis plus d’un an à partir des iconographies particulières qu’elles appellent, les réinvestissant dans des corpus installatifs multidisciplinaires.

    Entre-autres explorations, on comptait dernièrement dans les sources de ses conceptions une imagerie référant à de vieilles enluminures du Moyen-Âge, desquelles elle éclatait les motifs et actualisait la portée. C’est de concert avec une intelligence artificielle qu’elle générait ces nouvelles scènes, les amenant ainsi à mettre le pied dans deux époques distinctes, une atmosphère glauque, un brin dissonante, en émergeant. Les glitchs d’une IA encore en rodage s’apparentaient peut-être, sur le fond comme sur la forme, à tous ces glissements, cette fois mentaux, supportant ces conspirations à la QAnon et issues, pour la plupart mais pas que, d’une droite américaine en plein essor et de plus en plus accessible.

    Outre la question politique que soulèvent ces théories, et en phase avec sa façon toujours très ludique d’envisager et de traiter ses sujets de recherche, Loranger tente surtout de braquer le regard sur de curieuses mouvances de la société. Quels sont les effets, sur nous et sur le monde, de ces courants de pensée qui se popularisent en un claquement de doigts? Partant de ses réflexions sur le complotisme, qui étaient à l’origine de sa dernière exposition tenue à l’Écart, l’hiver passé, Loranger s’intéresse désormais, pour son corpus chez CIRCA, à un mot-valise évoqué par des chercheur·euse·s de l’Université Concordia: celui de la conspiritualité. Elle se retrouve ainsi à la croisée des modes actuelles de la conspiration et de la spiritualité, travaillant à cibler ce qui agit ou résonne entre les deux. Le projet, en rupture avec le caractère gothique de celui de l’Écart, se penche plutôt pour le doux, le soft.

    Car de manière inusitée, Loranger transforme l’espace du CIRCA en un genre de spa nouveau-genre inspiré des salons de yoga et des symboles des rituels de bien-être en vogue actuellement. Si ses mises en scène combinent souvent, sans toutefois s’y cantonner, des sculptures de céramique et des dessins grands formats auxquels s’ajoutent parfois des impressions ou des livres d’artiste, ici Loranger mise encore davantage sur l’aspect installatif de sa proposition. Une salle de détente, des coussins géants, un mur de constellations sur lequel on retrouve divers signes astrologiques: tout est en place pour un pélerinage spirituel élévateur. Les couleurs pastel qui y règnent, choisies minutieusement, et les trames sonores rappelant, en outre, des chaînes YouTube tournées vers la 4edimension participent à cette ambiance éthérée et aérienne qui transfigure le lieu d’exposition – et considère d’une manière nouvelle et inattendue le réel.

    Ainsi un travail de narration, de détournement et de manipulation est encore à l’œuvre chez Loranger. En émerge une redéfinition des expériences auxquelles peut nous convier l’art actuel. De là naît une fresque aux contours oscillant entre le kitsch et le trash.

    -Texte de Galadriel Avon